Bréviaire des artificiers
de Mathias Enard, Pierre Marquès (Dessin)

critiqué par Pucksimberg, le 6 novembre 2011
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
Manuel pour devenir un parfait terroriste ... enfin presque ...
Ce roman est présenté comme un manuel divisé en 10 leçons enseignées par un maître à Virgilio " nègre de peau et esclave de condition".

Ce pauvre Virgilio déteste son maître et souhaiterait s'en débarrasser. Pour l'instant, il n'ose pas passer à l'acte et préfère déposer délicatement un petit scorpion dans le lit de son maître ou bien uriner dans son café. Mais rien n'y fait ! Le maître rusé pressent les menaces de son esclave et un jour il lui parle ouvertement : il lui propose de lui enseigner comment réussir un tel meurtre symbolique. S'ensuivent donc les dix leçons souvent drôles et extrêmes accompagnées de dessins afin de clarifier la portée didactique de l'oeuvre.

Les leçons sont amusantes et parfois surprenantes, j'en veux pour preuve certains titres : "Etre un peu artiste", "Avoir le respect du testicule" ( leçon hilarante ), "Etre un rien zoophile", "Etre fin cuisinier" ... Malgré le caractère loufoque des leçons, Mathias Enard analyse en filigrane le terrorisme, ses principales figures ( pas uniquement celles auxquelles on pense spontanément au vu des informations télévisuelles ! ). Le maître évoque la déontologie du terroriste et le caractère esthétique de ses actions avec humour bien évidemment . L'épisode du World Trade Center n'est en rien un acte intelligent selon notre maître, les attentats corses n'intéressent plus personne ... Diffuser 10 minutes de pornographie zoophile sur une grande chaîne de télévision en la piratant serait un geste grandiose !

Ce texte est rédigé comme un conte de Voltaire acclimaté à notre 21ème siècle ! Les personnages, le vocabulaire et la structure de l'oeuvre rappellent certains de nos auteur classiques engagés alors que les thèmes et la plupart des références sont plus contemporains. Cette oeuvre permet aussi de faire la satire de la télévision, du comportement des spectateurs qui s'habituent aux scènes de violence. Les pays dits civilisés sont aussi égratignés par cet auteur d'un talent fou !

Un court texte, vif et captivant qui se lit rapidement tout en délivrant une réflexion intelligente. Une belle découverte !