Le Vicaire
de Rolf Hochhuth

critiqué par Leura, le 29 juillet 2002
(-- - 73 ans)


La note:  étoiles
Un pape lâche ou pro-nazi ?
A travers le destin authentique de Kurt Gerstein, un officier SS qui s'est révolté contre les atrocités nazies et a tenté en vain mobiliser les consciences religieuses et celui imaginaire d'un jeune prêtre nommé Ricardo, l'auteur nous fait partager son indignation devant la passivité du pape Pie XII. L'Eglise catholique était une des puissances les mieux informées de l'époque, avec les prêtres, les évêques et les simples fidèles qui ont assisté aux déportations et au massacre des Juifs. Pas une seule fois, il n'a fait allusion dans un de ses discours aux victimes et il ne fait aucun doute que s'il l'eût fait, la face du monde en aurait été changée. Au début du livre, une phrase du très catholique Mauriac résonne comme une condamnation sans appel de Pie XII. "Nous n'avons pas eu la consolation d'entendre le représentant de Dieu sur terre prendre la défense de ces frères du Christ qui étaient injustement persécutés."
La pièce est écrite avec beaucoup plus de nuances qu'on ne pourrait l'imaginer, et l'auteur est le premier à reconnaître les efforts faits par des chrétiens courageux pour sauver des Juifs de la déportation.
La révolte d'un juste est souvent terrible, et ce livre sonne profondément vrai. Quand plus de 50 ans après les faits, on parle de béatifier ce pape qu'au pire on pourrait qualifier de pro-nazi et au mieux de lâche, un témoignage aussi implacable que cette pièce est extrêmement important.
Avec beaucoup d'intelligence, Hochhuth a anticipé les critiques qui n'ont pas manqué de fuser dès la parution de ce livre dans les années 60, et il donne à profusion toutes les preuves historiques de ce qu'il avance, à tel point qu'aucun déni n'est encore possible.
De cette pièce a été tiré récemment le film "Amen." de Costa Gavras, qui ne le trahit en rien et qui est aussi sobre et efficace que le texte original.