Banquises
de Valentine Goby

critiqué par Alma, le 31 octobre 2011
( - - ans)


La note:  étoiles
Le livre de l’absence

Comment exister aux yeux de ses parents quand ceux-ci sont obsédés par la disparition de votre sœur aînée ? C’est, pour moi, le sujet essentiel de BANQUISES, qui relate le séjour que Lisa, la narratrice, fait au Groenland, sur les traces de sa sœur aînée Sarah partie 20 ans plus tôt, Sarah qui n’a jamais plus donné de ses nouvelles et qu’on a dû déclarer morte après 10 ans d’absence inexpliquée .

BANQUISES - avec un S final- c’est le roman de deux disparitions, celle de Sarah, et celle des glaces du Pôle Nord, « une terre qui s’efface, une femme qui disparait », de deux éléments qui se dissolvent progressivement. Le récit glisse insensiblement dans un mouvement d’aller –retour, du présent du séjour au Pôle nord, au passé, d’avant la départ de Sarah et d’après sa disparition . Avant son départ, une époque heureuse pour la narratrice, entre un père chercheur en botanique, une mère professeur d’histoire et sa sœur Sarah, flutiste, qui avec son amie Diane parcourt le monde pour y découvrir les lieux de concert. L ’après-disparition : vingt années où les parents, dans « un espace saturé de chagrin », « les yeux braqués sur la béance », d’une façon obsédante, maintiennent vivant le souvenir de leur fille aînée pendant que Lisa « enfant périphérique, méconnue » qui s’efface volontairement pour être vue, souffre de se sentir comme gommée de leur vie .

BANQUISES, c’est un beau et puissant récit, celui d’une souffrance et de sa thérapie : l’écriture par Lisa du livre de l’absence, un livre « en dormance depuis le début, depuis la première ligne écrite au cours des mois d’anorexie », un moyen pour elle de clore l’histoire de Sarah « fondue, effacée, engloutie par les eaux » . Un récit écrit d’un seul souffle, sans pauses. D’une écriture généreuse, Valentine Goby qui excelle à rendre compte de la beauté désertique et glacée des paysages du grand Nord, emmène souvent son lecteur hors du huis-clos de la douleur de l’absence, pour évoquer des domaines tels que l’acoustique des salles de concert, les différentes variétés d’oignons ou le comportement des chiens de traîneau . Des bouffées d’air nouveau qui peuvent dérouter, mais qui pour moi, ne constituent pas des digressions et s’intègrent pleinement à la trame de ce livre de l’absence .
Touchant et convaincant 8 étoiles

Sarah avait 22 ans quand elle a décidé de partir seule au Groenland dont elle n’est jamais revenue.
Où est-elle ? Pourquoi ne donne-t-elle plus de nouvelles ?
La mère, le père et sa petite sœur Lisa, alors âgée de 14 ans sont anéantis par l’attente, l’absence, la douleur.
Au fil des années, chacun à sa manière, va devoir vivre avec cette disparition, essayer de faire face et d’avancer, malgré l’attente obsessionnelle de la mère "quand elle reviendra... ".

Lisa est devenue écrivaine. Elle décide, 28 ans plus tard, de partir seule, laissant mari et enfants, dans les pas de sa sœur, d’après les photos retrouvées dans le sac abandonné sur le pont d’un bateau.
Elle revoit les souvenirs heureux de cette famille, la relation privilégiée qu’elle avait avec sa grande sœur, passionnée de musicologie. Elle veut comprendre son aînée, lever le voile sur la personnalité et les souffrances de la disparue après la mort de Diane, l’amie intime de Sarah.

Un récit tout aussi poignant que celui du séjour de Lisa à Uummannaq où elle est hébergée par Sylvie, le médecin du village. Le réchauffement climatique n’est plus un sujet dont on parle en réunions ou seulement quand il y a une catastrophe. Ici, c’est la vie quotidienne des habitants qui tourne au cauchemar, celle des pêcheurs et de leurs milliers de chiens. La mort programmée d’un peuple, avec des scènes terrifiantes.
On ne lit plus seulement un roman mais un témoignage magistral sur le réchauffement climatique.
Sidérée, je suis allée voir l’émission "Faut pas rêver", tournée à Uummannaq pour mieux comprendre.

Valentine Goby a toujours les notes justes pour explorer la nature humaine dans sa diversité, pour raconter comment un même traumatisme peut être vécu différemment par une mère, un père, une sœur. Cette sœur, qu’on a tendance à oublier, transparente jusqu’à ce que sa propre vie soit en jeu.
J’ai retrouvé dans cet excellent roman les éléments chers à l’autrice, la famille, la musique, qui m’ont beaucoup touchée .

Marvic - Normandie - 65 ans - 22 avril 2021


Ravages 9 étoiles

C'est un livre sur les ravages. Les ravages engendrés par la disparition inexpliquée d'un membre d'une famille. Avec en parallèle les ravages des désordres climatiques, la fonte des glaces et la mort programmée de la banquise.

"Une terre s'efface, une femme disparait."

Lisa part sur les traces de sa soeur Sarah au Groenland, pas tant pour la retrouver que pour se retrouver elle-même et faire enfin ce deuil nécessaire pour pouvoir avancer.
Elle y découvre une terre insolite, où l'espoir se désagrège au même rythme que la banquise.
Par bribes, par petites touches, le passé se reconstitue, la personnalité de Sarah, son parcours, puis sa disparition, la vie qui s'en est suivie durant des années et des années, marquée par l'obsession de l'absence, l'angoisse du vide, la terreur de l'attente; malgré les ellipses on y perçoit toutes les répercussions que cela a pu avoir sur la famille qui finit par se disloquer insidieusement.

Texte hautement descriptif, à la trame narrative saccadée et aléatoire, faite d'analepses et de digressions, "Banquises" évoque de manière très fine l'évaporation, la perte- de l'autre, des repères- le déséquilibre, l'instabilité, l'insécurité...et la douloureuse fin de toute chose.

Sissi - Besançon - 53 ans - 20 septembre 2012


Un bon roman 8 étoiles

Présentation:

Banquises est un roman écrit par Valentine Goby et publié au mois de septembre 2011 aux éditions Albin Michel. Ce roman est centré sur les relations familiales. Sarah, une jeune fille passionnée par la musique classique s’est donnée pour projet de visiter tous les conservatoires de tous les plus grands pays. Persuadée qu’à chaque lieu correspond une musique qui épouse ses contours et son histoire, elle parle ainsi d’”acousticité des lieux”. Décidée à partir au Groenland pour découvrir la musicalité de ce lieu, elle n’en revient pas.

L’absence comme souffrance inextinguible

N’ayant aucune communication avec Sarah, sa mère s’interroge sur les raisons de ce silence. Connaissant la date de son retour, ses parents et sa soeur préparent une fête pour son retour. Les heures passant, ils dorment à l’aéroport en guettant la moindre silhouette ressemblant à Sarah. Les années passant, ses parents lancent un avis de recherche mais étant majeure, il est de son droit de ne donner aucune nouvelle à ses parents. Focalisant sur cette absence, tout est remis en question et tout devient fantasme. Imaginant ainsi, la mort de leur fille, ils cultivent à chaque anniversaire de son retour l’espoir de la voir arrivée avec les mêmes préparatifs. De même chaque jour, un repas est laissé à la maison avec une petite lettre dans l’espoir qu’à leur retour ils la retrouvent face à eux.

Cette absence de réponse à leurs questions ouvre le champ des possibles. Ainsi, la soeur de Sarah part au Groenland pour découvrir les raisons de ce silence. Découvrant un médecin sur place et d’autres compagnons de route, elle s’imagine tour à tour qu’elle a pu se faire dévorer par des chiens de traineau. Tout un réseau sémantique de la voracité canine est ainsi développé, suggérant ainsi le fantasme de dévoration qui la hante. Sa conversation avec un autochtone lui suggère que certaines personnes s’excluent de ce territoire sans donner aucune nouvelle. Ainsi, elle imagine que c’est un choix qu’elle doit respecter tout en espérant retrouver sa trace. Cette quête sororale devient l’expression même de la recherche d’une identité inconnue, celle d’une soeur qui n’a pu exprimer sa passion qui se fond dans un silence devenu le langage de sa solitude. L’incommunicabilité du désir d’exister autrement au sein d’une famille est au centre de roman.

Roman de la vacuité, il pose la question de la redétermination des rôles de chacun au sein de la famille en raison d’une absence subite. Ainsi, le vide est au centre du roman parce qu’il met en question l’identité individuelle au sein d’une famille.

L’avis du blogueur

Très bon roman construit par alternance entre présent et passé. Ces allers-retours permanents donnent un rythme et une épaisseur au roman car ils font coïncider des actes qui expriment l’obsession permanente de l’absence. Néanmoins, les multiples descriptions de situations au Groenland sont souvent trop longues et coupent le rythme et l’intérêt que l’on porte au récit.

Aktukritik - Nantes - 38 ans - 4 décembre 2011