La Stasi à l'école : Surveiller pour éduquer en RDA (1950-1989)
de Emmanuel Droit

critiqué par Antihuman, le 14 octobre 2011
(Paris - 41 ans)


La note:  étoiles
Remarquablement instructif
Qui n'oublie pas de rire, ou de sourire avec condescendance, quand cet ancien "service secret" est évoqué devant nous à la télévision ou parmi nos amis ?

On pense tout de suite à de ridicules gadgets, des outils à écouter les conversations à 10 km, des armes dissimulés dans des vestons, des pilules de cyanure...
Bien sûr, sauf que le fait est que la Stasi a réellement existé et si la plupart de ses dossiers ne sont pas encore, à ce jour et en 2011, accessibles au public, et son influence est de toute façon bien loin d'avoir disparu (tout comme d'ailleurs le NKVD russe de Poutine dont lui est issu directement, entre autre !)

Loin d'être en accord avec le véritable idéal communiste, cette police politique, en plus d'être un instrument de contrôle de la pensée, était, en général, constituée de la bourgeoisie de la RDA
ceux-là d'ailleurs, de préférence, harcelant, poussant les gens "à bout" - essentiellement les prolétaires et ceux qui ne font pas partie de l'élite.
Faisant leurs coups en douce, ceux-là procédaient à l'usure, à l'humiliation facile, à la brimade envers leurs ennemis avec une propagande organisée dés l'école, ainsi qu'également, à la pure domination bâtie et plus ou moins diffuse; la seule morale étant en fait surtout l'argent en dépit de quelques détails vrais: On ne compte plus d'ailleurs aujourd'hui ceux qui "dérangent" avec ces savants atomistes envoyés à l'asile par cet ordre longtemps considéré comme tout-à-fait naturel. (A voir: "la Vie des Autres", 2006. "L'Homme de Marbre", 1976.)

Petit historique:

Le Ministère de la Sécurité d'État fut créé le 8 février 1950 sur le modèle du MGB (Ministère à la sécurité gouvernementale) soviétique, pour remplir les fonctions de police politique : renseignement, espionnage et contre-espionnage de la République démocratique allemande. Il était considéré par l'URSS comme un partenaire extrêmement loyal et efficace. Wilhelm Zaisser fut le premier ministre de la Sécurité d'État, assisté par Erich Mielke.

De Zaisser à Mielke

Après que Zaisser eut essayé de renverser le Secrétaire général du SED, Walter Ulbricht, après l'insurrection de juin 19531, il fut congédié par Ulbricht et remplacé par Ernst Wollweber. Ce dernier démissionna en 1957 après des différends avec Ulbricht et Erich Honecker. Son assistant, Erich Mielke, lui succéda.
Cette même année, Markus Wolf prit la tête du Hauptverwaltung Aufklärung (HVA) ou « administration centrale de reconnaissance », la section de la Stasi qui s'occupait de contre-espionnage et d'espionnage. À ce poste, il se fit connaître comme un redoutable maître-espion, surnommé « l'homme sans visage » car il refusait de se faire photographier, en infiltrant le gouvernement et les cercles politiques et économiques de l'Allemagne de l'Ouest. Il a participé à l'affaire de Günter Guillaume, qui a mené à la chute du chancelier ouest-allemand Willy Brandt en mai 1974. Wolf se retira en 1986 et fut remplacé par Werner Grossmann.
Bien que la Stasi de Mielke fût déclarée indépendante en 1957, le KGB conserva jusqu'en 1990 des agents de liaison dans les huit principaux services, chacun d'entre eux disposant d'un bureau personnel dans les bâtiments berlinois et d'Allemagne de l'Est2. La collaboration était si étroite que le KGB a invité la Stasi à établir des bases opérationnelles à Moscou et Léningrad pour surveiller les touristes est-allemands. Mielke appelait les agents de la Stasi « tchékistes de l'Union soviétique ». En 1978, Mielke octroya formellement aux agents du KGB les mêmes droits et pouvoirs que ceux dont ils jouissaient en URSS3.

"Dissolution"

C'est seulement après la chute du mur de Berlin et la réunification de l'Allemagne, en 1989 et 1990, que la Stasi fut dissoute. Elle laisse un encombrant héritage : ses archives, qui contiennent les noms des suspects mais également ceux des agents et de leurs informateurs !

Organisation



Évolution du nombre d'agents officiels de la Stasi
Le Ministère de la Sécurité d'État s'appuyait sur des agents officiels et un grand nombre d'informateurs, appelés «IM» (Inoffizieller Mitarbeiter, c'est-à-dire collaborateurs officieux).

Structure



Siège de la Ruchestrasse

Le quartier général était localisé au 103 de la Ruschestrasse à Berlin-Est et était structuré sur le modèle du NKVD soviétique (ancêtre du KGB). Entre 1950 et 1989, la Stasi comptait dix-sept prisons préventives où étaient internés les détenus.
Au moment de sa dissolution, elle comptait environ 91 000 agents officiels et 175 000 informateurs, soit 1 % de la population est-allemande4. La Stasi comportait donc 286 000 agents, qui constituaient une surveillance très présente et très efficace.
La Stasi comprenait les entités suivantes :
Hauptverwaltung Aufklärung se concentrait principalement sur l'Allemagne de l'Ouest et l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord, mais pratiquait également l'espionnage en Allemagne de l'Est et dans d'autres pays.

En tant que police politique, la Stasi avait pour principal objectif de traquer les opposants au régime instauré à la suite de l’occupation des Länder de l’Est par l’Armée rouge.
Lorsque la Stasi connaissait l’opinion de quelqu’un, elle préférait utiliser des pressions discrètes en forçant un homme à démissionner, un étudiant à arrêter ses études ou à « conserver ses fonctions sociales » en le forçant à devenir informateur à son tour : IM (Inoffizieller Mitarbeiter).
Un document, notamment daté du 1er octobre 1973 et retrouvé dans les archives de la Stasi en 2007 atteste que les soldats étaient autorisés à ouvrir le feu sur toute personne essayant de franchir le mur de Berlin, y compris les femmes et les enfants.
Ce service de renseignement était pour l'époque un des plus actifs à travers le monde. À sa dissolution, on a estimé à 90 000 à 91 000 agents sur le territoire de la RDA. Mais on a aussi estimé à 90 000 le nombre d'agents informels (IM) en RFA. La Stasi avait complètement infiltré les systèmes administratifs et politique de la RFA. Elle pouvait connaître et anticiper les prises de décision ouest-allemandes sur le plan national, comme international.

L'affaire Guillaume

Agent dormant de la Stasi (IM) en RFA, Günter Guillaume est envoyé comme réfugié dans les années 1950 à l'Ouest. Sur ordre du Mfs, ils prennent une carte du SPD, parti politique ouest-allemand. Au fil du temps, Guillaume grimpe les échelons du parti, de chef de bureau à responsable de région. Grâce l'élection du chancelier Willy Brandt, il arrive en 1969 au sein de la Chancellerie de l'Allemagne fédérale. Il est nommé chef de cabinet. C'est alors que Markus Wolf et son adjoint Werner Grossmann se sont trouvés face à un dilemme. Utiliser cet agent ou bien le laisser inactif ? Au risque qu'il soit découvert par la RFA, dégradant les relations avec elle et voir se fâcher l'URSS. Car le KGB aimait maîtriser ses pays satellites. Ils prirent la décision de l'exploiter avec la plus grande prudence pour ne pas le mettre en danger. Les relations furent espacées. Même quand la Stasi a appris que Christel, l'épouse de Guillaume, était suivie par la DST lors d'un déplacement à Paris, il n'a pas été avisé. Mais depuis 1973, le contre-espionnage ouest-allemand avait des doutes sur la fiabilité de Guillaume, mais il manquait de preuve. En 1974, l'espion est-allemand fut démasqué. Le Mfs envoyait des télégrammes en code pour souhaiter à ses agents un bon anniversaire. C'est en déchiffrant un de ces télégrammes que les pisteurs ouest-allemands parvinrent à l'identifier. Il fut arrêté à son domicile avec son épouse le 24 avril 1974. Des informations, des photos et des films compromettants avaient été collectés, tirés et tournés par Günter Guillaume, qui avoua tout. Cette documentation mettait le chancelier allemand à la merci d'un chantage.