Cavalerie rouge
de Isaac Babel

critiqué par Radetsky, le 14 octobre 2011
( - 81 ans)


La note:  étoiles
Les horreurs de la guerre, de Goya à Babel
On laissera le soin à chacun de trouver une biographie d'Isaac Babel, il s'en trouve d'excellentes sur internet.
Les fronts de Pologne et de Galicie en 1920, en pleine guerre civile, l'inconséquence du futur Staline ayant entraîné de surcroît la jeune République des soviets dans l'aventure polonaise.
Il ne faut pas s'attendre à un tableau brossé délicatement, un peu à la manière des soirs de bataille peints par Horace Vernet : on est plus près de Paolo Uccello avec sa "Bataille de San Romano", l'enchevêtrement d'armes, de corps, de sang et de nuit, allégorie d'où le fracas et les cris s'arrachent aux symboles, encore plus près de Goya justement avec ses "Désastres..."
Une brigade de cavalerie traversant un univers bouleversé par la guerre et la révolution, où Russes, Polonais, Juifs, Chrétiens, paysans, nobles, ouvriers, intellectuels, fonctionnaires, commissaires politiques, mendiants, boutiquiers, femmes, enfants, monarchistes, communistes, anarchistes, Cosaques, Blancs, Rouges, de villages en bourgades, de steppe en halliers, de feu ou de glace : plus rien n'a de sens et tout poursuit l'avènement d'un sens inédit, métaphore rêvée d'une longue souffrance accumulée des siècles durant. Les personnages rencontrés dans cette vaste fresque sont pris dans leur profonde humanité, crue, sans effets, du sublime à l'atroce , Babel n'ayant cure d'idéaliser son combat ; le récit vaut avertissement : "voilà, camarades, ce que nous avons à affronter, plus en nous-mêmes encore que chez nos adversaires". Babel a payé de sa personne, avec sa plume et son fusil, il n'a pas fait carrière dans des bureaux. Il sera fusillé par les staliniens en 1940 : c'est plus éloquent qu'un prix Nobel.