Le Livre noir
de Ilya Ehrenbourg, Vassili Grossman

critiqué par Radetsky, le 10 octobre 2011
( - 81 ans)


La note:  étoiles
Crimes sans (parfois) châtiment
On est loin de tout procédé romanesque, dont on a parfois usé et abusé dans certains "pavés" abondamment loués par la critique et dûment primés en conséquence dans un passé récent. C'est ici le catalogue raisonné des crimes commis par l'Allemagne, DU crime de masse subi par l'Europe de l'Est. Rien n'est oublié, ni aucun détail sur les modes opératoires, ni sur les cibles visées, ni sur la durée ou l'étendue des massacres perpétrés aussi bien par les troupes régulières de la Wehrmacht que par les "Einsatzgruppen", les SS, ou leurs auxiliaires lettons, ukrainiens ou autres. Qui parle ? Les témoins et les rescapés.
Les auteurs ont vécu cette période (1941 - 1945) sur place, parmi les victimes, depuis le déclenchement de l' "opération Barberousse" jusqu'à l'entrée de l'Armée Rouge dans Berlin, à la suite de laquelle on a beaucoup insisté sur les atrocités commises par les soldats de la dite armée sur les biens et les personnes allemands. Je ne pense pas qu'une seule famille de l'ex-URSS ait été épargnée dans le bilan final de ce conflit, où ce pays laissa entre 20 et 22 millions de morts et un océan de destructions et d'horreurs sans nom. J'essaie de me mettre, moi qui ai porté un galon sur l'épaule, dans la peau d'un officier soviétique juif ou non, pénétrant dans ce qui fut un temps le terrain occupé par les Allemands, du Caucase à la Pologne, puis de voir ce qu'il y vit et de tenter de vivre en imagination ce qu'il vécut pour de bon, y compris la mort souvent abominable des siens...
Placé dans ces circonstances, je crois que j'aurais eu ensuite la gâchette facile à la vue du vert-de-gris, du noir des SS, ou des jolis géraniums que les civils germaniques aiment tant mettre sous les fenêtres de leur maisons si "gemütlich", si conformes à la bonne conscience qu'ils avaient toujours soigneusement cultivée jusque là.

Cette édition a bénéficié de l'ouverture des archives après la chute du régime mensonger et totalitaire qu'on sait, en 1989. Des "rectifications" ou "oublis" dus à la censure stalinienne ont été réparés en conséquence.
Répétons-le : ceci est aussi cru et aride qu'un rapport d'autopsie, mais il s'y mêle les larmes et les souffrances des hommes.

Mais lisez et bravo si vous avez les nerfs, si vous supportez d'aller jusqu'à la fin.