La lettre de Buenos Aires
de Hubert Mingarelli

critiqué par Tistou, le 30 septembre 2011
( - 68 ans)


La note:  étoiles
9 nouvelles
9 nouvelles douces amères, dans le style caractéristique Mingarellien, introspectif et opiniâtre. Des destinées d’hommes au court cours (d’autant plus dans le format « nouvelles »), toujours un peu perdus, un peu déboussolés. On y retrouve des matelots, bouffées de réminiscence de la prime jeunesse d’Hubert Mingarelli. Des matelots malheureux, plutôt insatisfaits. Et puis des non-matelots. Mais toujours plutôt malheureux et globalement insatisfaits. Des fêlures. C’est de là que part notre auteur systématiquement, comme un bon alpiniste devant la paroi. Une fêlure, il y glisse sa plume et se hisse centimètres par centimètres, prise après prise. Ainsi procède Hubert Mingarelli.
La nouvelle éponyme « La lettre de Buenos Aires » est la dernière du recueil et la plus longue. Il y question de père et de garçon. Un père forcément fautif, et d’un garçon qui n’y comprendra rien. Il y a un bateau aussi. Très peu de personnages, quasiment une unité de temps et de lieu … Du Mingarelli dans le texte !

« La nuit, à Buenos Aires, ils font comme en plein jour. C’est pareil pour eux. Il fait seulement un peu moins chaud. Les bars sont ouverts. Ils sortent les tables sur les trottoirs. J’étais fatigué, j’y suis allé. C’est là que je t’ai écrit. On m’avait donné du papier. Je me sentais moins seul en t’écrivant. Je buvais des cafés. J’ai dessiné le papier du sucre qu’ils servent avec, et je t’ai écrit à côté : « Regarde comme ils sont les papiers du sucre dans ce pays. Et tout est comme ça, ici. Mais je ne peux pas tout te dessiner. » J’ai oublié pas mal de choses de cette lettre. Elle a des années. Mais le papier du sucre, je m’en souviens encore. Je me rappelle aussi que je ne te disais pas combien je me sentais seul et abandonné. C’est moi qui t’avais laissé, tu ne l’aurais pas compris … »
Il y a aussi « Pas d’hommes pas d’ours », une nouvelle qui se déroule dans une contrée sauvage qui pourrait être l’Alaska de « Sukkwan Island » mais qui n’est pas « Sukkwan Island. Parce qu’Hubert Mingarelli n’est pas David Vann et que le drame n’est pas forcément toujours sanglant. Ce peut être simplement une fêlure un peu trop grande, d’où s’écoule la volonté et où peut se glisser la mélancolie et la tristesse.
Il y a d’autres nouvelles où l’on croit reconnaître comme des ébauches, des brouillons, de romans déjà parus, tel « Elie », cette histoire de frères qui remontent une rivière en canoë et qui évoque furieusement « La promesse » …
Il y a un monde ; le monde d’Hubert Mingarelli …