Sorcier
de Jim Harrison

critiqué par Jules, le 6 juillet 2002
(Bruxelles - 79 ans)


La note:  étoiles
Un homme différent, bourré de charme et d'humour
Sorcier, de son vrai nom Johnny Lundgren, vit avec sa superbe femme Diana dans le Michigan. Il était cadre dans une société dont les affaires ont mal tourné. Marié, il est un jour tombé face à Diana et ce fut le coup de foudre, le vrai, l’irrésistible !
Les voilà qui vivent donc ensemble depuis quelques années déjà et Sorcier est au chômage. On ne peut pas vraiment dire que cela l'obsède, ni qu'il fait de gros efforts pour retrouver quelque chose. Diana, elle, part assez tôt le matin pour son travail d'infirmière à la ville. Cela pose un réel problème que ce départ matinal car Sorcier rêve à chaque coup qu'il va bien arriver à la sauter avant son départ. Mais elle est pressée et il doit fréquemment déchanter ! Le père de Sorcier lui a toujours dit clairement que cette femme était beaucoup trop belle pour être honnête, alors l'idée que Diana pourrait le tromper lui effleure parfois l'esprit…
Après son échec du matin, Sorcier va se balader dans la campagne avec son chien. Assez particulière la bête, d'ailleurs ! Il profitera de cette promenade pour imaginer plein de petits plats qu'il va faire pour le repas du soir. L’échec culinaire est assez fréquent, mais il ne désespère pas ! Une autre bonne partie de sa journée va être occupée à imaginer les différents trucs qu'il pourrait trouver pour faire monter Diana au septième ciel et cela pour plus d’un tour. Cela ira de la trouvaille de nouvelles positions possibles à certains déguisements qui opèrent pour le moins très bien ! D’ailleurs, leur sexualité est une telle réussite qu'il jette sa vieille collection de « Play-Boy » à la poubelle.
Sorcier est un gamin, un adolescent ayant atteint l'âge calendrier d’un adulte et un jour Diana déclare de lui : « Le pauvre, songea-t-elle, il vient seulement de réaliser que lui aussi, il va mourir un jour. » Quant à Harrison il écrit : « Au niveau de l'inconscient, il souhaitait fortement adapter le monde à l'idée qu'il s’en faisait. »
Mais voilà que cet univers bien calme va se retrouver bousculé. Diana trouve le moyen de faire engager Sorcier par un inventeur de ses connaissances. Celui-ci n'est pas des plus clairs, mais il paie bien. Sa femme vit en Floride, son fils ne le voit plus, il a des affaires diverses et variées un peu partout et il semblerait que tout le monde le vole… Sorcier doit en établir les preuves. Et le voilà donc parti sur les routes qui le mèneront du Nord au Sud jusqu'en Floride. Il n’est pas au bout de ses surprises !
Dans ce livre, Harrison nous présente tout autre chose que les héros de « Légendes d'automne », de « Dalva » ou de « La route du retour ». Sorcier est un homme plutôt rêveur et maladroit qui vit un peu dans son monde imaginaire bourré de situations dans lesquelles il révèle tout son courage, sa force et ses nombreux talents. « On disait que. »
Ecoutez Harrison nous le décrire : « Une grosse boule se forma dans sa gorge et il éprouva une sorte de vertige comme si la terre venait subitement d’accélérer sa rotation. Une peur aussi atroce qu’inexplicable lui noua les tripes.. Il se sentait loin de chez lui, trop loin. Beaucoup trop loin. Tout lui manquait : Diana, son journal du matin, ses pensées bizarres,, les courses au supermarché et ses absurdes inventions gastronomiques, le bulletin télévisé du soir, la musique baroque, l’amour, son propre lit et l'oreiller spécial qu'il traînait depuis son enfance… Il redevenait un enfant, rien qu’un enfant avec de grosses mains, de gros pieds et une grosse tête…. »
Un livre toujours bien écrit et ne manquant vraiment pas d’humour. Sorcier est terriblement attachant !
Le meilleur de Jim Harrison 10 étoiles

Du grand art!
Un livre qu'il faut apporter avec soi partout où on va. Un livre qu'il faut lire et relire. Ce livre, c'est la vie.
La vie c'est quoi? La vie c'est manger, draguer des filles, se soûler, baiser, fumer, dormir, pêcher, être amoureux. C'est tout. Les personnes qui n'ont pas compris ça ne peuvent pas apprécier ce livre. Evidemment c'est un livre d'homme.

Ce livre c'est la simplicité même, l'honnêteté. L'humour aussi. Le chien est un personnage essentiel, voire même central dans le mécanisme humoristique de Harrison. Je vous ferai d'ailleurs remarquer que tout bon bouquin de Harrison comporte un chien au sein de l'histoire.

Ce livre fait partie des rares choses de la vie qui sont des facteurs déterminants pour sceller une amitié. Autrement dit si une personne aime ce livre, tu peux être sûr d'être pote avec elle.

C'est aussi simple que ça, la vie.

Youridu34 - Mexico D.F. - 32 ans - 9 septembre 2013


Récit détaillé d’une vie vécue 6 étoiles

Un cadre au chômage compense sa dépression naissante par la préparation de petits plats cuisinés. Un inventeur lui propose de devenir son homme de confiance mais le paiera en liquide et lui demande de n’en parler à personne. Et Johnny, surnommé Sorcier depuis l’enfance, être distrait et parfois naïf commencera ce travail de détective qui n’est pas fait pour lui mais dont il tirera un revenu confortable.

L’histoire tourne surtout autour du couple qu’il forme avec sa femme et de leur passion amoureuse. Ils mettent en scène leurs phantasmes sexuels inventifs, boivent et se droguent librement. Les relations avec son chien sont aussi décrites de façon humoristique. Le narrateur ne cache rien des pensées intimes et sans fard ni des actes les plus triviaux du personnage principal mais il le raconte avec naturel et simplicité.

L’ensemble forme une sorte d’hymne à la vie et à ses plaisirs dont faut savoir profiter lorsqu’ils se présentent : « Il faut boire la vie et s’en saouler » (p. 211).

IF-1011-3795

Isad - - - ans - 29 octobre 2011


"Vous ne vivez pas dans le monde des réalités." 8 étoiles

Un roman qui, d'après les spécialistes (Jules of course dont la critique m’a incité à ce choix, Tophiv), est un des plus 'légers’ de Big Jim. Je me suis même demandé s'il était de bon ton de rire si souvent à la lecture d'un auteur-culte. Notamment quand un ami découvre l’ attaché-case que Sorcier vient de dissimuler dans son frigo ou quand il détale après avoir reçu une lettre l’avertissant qu'une bande de mafiosi va se lancer à sa poursuite. Ou encore, quand pour brouiller les pistes, il se déguise en folle et passe pour telle. Humour pour sûr, et aussi un livre qui ouvre l'appétit (Sorcier n’arrête pas de manger) et qui fournit un excellent exemple d’un couple fondé sur l’amour conjugal quand celui-ci repose sur la tendresse mais aussi sur les sexe, ce qui ne dispense pas chacun, quand l’occasion se présente, de petits écarts...
Sorcier et sa femme Diana forment assurément un couple de Candide qui « vivent dans un monde très inférieur où ils gaspillent leur énergie à tenter de conformer les êtres et les choses à leur propre vision de la vie » même si, d'autre part, il sont, comme Diana l’infirmière, confrontés aux pires réalités de l'existence. "Vous ne vivez pas dans le monde des réalités" dit-on à un moment à Sorcier. Il est dit par ailleurs que celui-ci a toujours éprouvé des difficultés à faire à l'école la différence entre la réalité et le réalisme.
Aux épisodes où les personnages se font duper, j’ai pensé à un roman de John Fowles (« Le Mage ») dont l’action est entièrement tributaire de mensonges, d’effets de paroles.
Il y a toujours dans ces leurres dont sont victimes les héros de papier une mise en abyme du roman qu'on est en train de lire et qui nous trompe pareillement. Peut-être le sorcier est-il resté un grand enfant qui, en arrangeant à sa sauce des morceaux de réel choisis, donne sa version éminemment personnelle, féerique ou monstrueuse, de l'existence brute. Comme aussi le romancier, ce sorcier des mots et des situations.
Un livre qui donne envie de vivre pleinement même quand la vie ne répond pas à toutes nos attentes et que j’ai lu dans la collection "Bouquins" de chez Laffont qui, je souscris à la remarque de Jules, favorise vraiment la lecture. «Le seul inconvénient des grandes promenades le long de la mer est qu’il arrive toujours un moment où il faut se décider à refaire le même chemin en sens inverse. Et c’est beaucoup moins drôle. » L’auteur qui a écrit cette phrase est incontestablement un des tout grands.

Kinbote - Jumet - 65 ans - 4 juillet 2003


Beaucoup d'humour et de sexe 9 étoiles

Dans ce roman, Harrison parle encore plus que d'habitude de sexe et fait preuve de beaucoup d'humour. Souvent, on perçoit entre les lignes qu'il se moque un peu de son héros, qui est parfois gentiment naïf ou ridicule. Notamment lorsqu'il commence à se prendre pour un détective privé invulnérable type Humphrey Bogart.
On prend beaucoup de plaisir à la lecture de ses interrogations, de ses aventures sexuelles ou de ses débuts de détective. Un livre un peu à part dans ce que j'ai lu d'Harrison, plus "frais", un peu moins sérieux, un peu plus gai.

Tophiv - Reignier (Fr) - 48 ans - 16 juillet 2002