Maigret s'amuse
de Georges Simenon

critiqué par Jules, le 19 juin 2002
(Bruxelles - 80 ans)


La note:  étoiles
Un Maigret assez différent des autres
Je ne lis que très peu de romans policiers, n'ayant pas une grande passion pour le genre, à deux exceptions près : Simenon et Agatha Christie. Tous les deux ont cette extraordinaire capacité, par petites touches, de camper des personnages plus vrais que nature, ainsi que les moindres variations des ambiances qu’ils décrivent.
Pourquoi avoir choisi « Maigret s’amuse » ? Parce qu'il a quelque chose de très différents des autres romans de cette série. En effet, Jules (Maigret et non moi) se retrouve, à la suite d'une mauvaise grippe, obligé de prendre des vacances et qu'il décide de rester à Paris pour les prendre. Personne n’en sera au courant et on le croira aux « Sables »
Cette situation va permettre à Simenon de nous décrire un autre Maigret, un autre Paris. Nous aurons un Maigret placé hors de toutes ses habitudes, découvrant la vie chez lui et dans le boulevard Richard Lenoir quand normalement il n'y est jamais. Il va flâner dans sa ville avec un tout autre mental que celui qui est le sien habituellement. Mais surtout, voilà un « Maigret » dans lequel « Madame Maigret » prend soudain une autre dimension. Elle nous donne une autre vue de son caractère et intervient bien plus souvent. Oh !, pas qu’elle soit soudain saisie de grandes audaces mais, par petites touches successives, nous allons un peu mieux faire connaissance avec elle.
Janvier a pris la place de Maigret pendant son absence et le commissaire apprend, avec un petit pincement au cœur, qu'il a même pris possession de son fameux bureau. Un meurtre est commis dans un cabinet médical de luxe au boulevard Haussmann et cette affaire semble assez compliquée.
Jules fera de gros efforts pour ne pas regagner sa place et va découvrir tous les sentiments que peut ressentir le grand public qui ne peut suivre l’évolution d’une enquête qu'au travers de la presse. Il lui semble que tout cela n’avance pas assez vite, que les informations ne sont données qu'au compte gouttes et que, comme simple lecteur, il n’a pas assez d’éléments que pour se faire une opinion. Surtout, il n’a pas les moyens de faire avancer l’enquête en lançant ses collaborateurs à la recherche des réponses qu'il souhaiterait avoir aux questions qu’il se pose et qui lui paraissent essentielles.
Alors, voilà Maigret qui va faire comme beaucoup de gens l'ont fait avec lui dans sa carrière : il va adresser des lettres anonymes à Janvier dans lesquelles il va donner des directions à suivre et des questions à poser à certains personnages impliqués dans l’affaire.
Un Maigret assez différent des autres et très bien écrit, comme d'habitude.
Sous cape 9 étoiles

A Paris, Boulevard Haussmann, le cadavre d’Eveline, épouse d’un médecin bien connu, est retrouvé, nu, plié en deux dans un placard.
Vous direz : voilà une enquête à la mesure du commissaire Maigret. Et bien que nenni ! Car le docteur Pardon a décrété que son patient en faisait trop, qu’il était temps pour lui de se ménager – rapport à son cœur - et pour commencer a suggéré, plus que vivement, de prendre des vacances loin du quai de Orfèvres. Notre policier, à contre cœur il faut bien l’avouer, choisit son lieu de convalescence : non pas aux Sables-d’Olonne comme annoncé auprès de ses collègues mais … à Paris (cherchez l’erreur). Accompagné de son épouse, il se promène dans la ville, s’arrête dans des restaurants, des tavernes, ils vont même au cinéma. Madame Maigret, qui a les pieds sensibles, finit par se retrouver sur les rotules. Maigret suit l’enquête de loin, du moins en apparence, via les coupures des journaux ou les infos radiophoniques. Afin d’orienter l’enquête, il ne peut s’empêcher d’envoyer des lettres anonymes à l’inspecteur Janvier, qui sur le quai, s’est installé sans vergogne au bureau de son chef (qui tique …).
Si Maigret s’amuse comme un petit fou derrière son verre de bière, l’œil aux aguets, épluchant les journaux, il en va de même pour ses lecteurs. Une fois de plus.


Extraits :

- C’est une opération difficile de déshabiller un mort.

- A quoi bon lui expliquer que, dans toute sa carrière, en dehors de quelques professionnels, il n’avait jamais rencontré un meurtrier ayant une tête de criminel.

- Certains crimes crapuleux, commis par une petite gouape quelconque, ou par un déséquilibré, restent impunis. Un crime d’intellectuel, jamais. Ils veulent tout prévoir, mettre les moindres chances de leur côté. Ils fignolent. Et c’est leur fignolage, c’est quelque détail « en trop « qui les fait prendre, en fin de compte.

Catinus - Liège - 73 ans - 21 mai 2012