Le fétichiste
de Geoff Nicholson

critiqué par Brubzee, le 6 août 2011
(LA GARDE (VAR) - 56 ans)


La note:  étoiles
Décalé et passionnant
Quatrième de couverture :

« Notre narrateur, séduisant jeune homme, multiplie les conquêtes. Pourtant, il manque toujours un élément à son bonheur : fétichiste, il rêve d'une paire de pieds parfaits dans des souliers exquis. Dans ces conditions, comment trouver l'âme soeur ? Puis il rencontre Catherine. Et ses pieds sublimes perchés sur des talons aiguilles, enveloppés de la douceur malicieuse de magnifiques sandales. Leur liaison torride fait voler en éclats toutes les limites. Un bottier de génie prête son talent aux délires des amants : il leur confectionne des chaussures d'une inquiétante sensualité. Pour Catherine, c'en est trop. Affolement devant l'intensité érotique ? Désir d'être aimée pour elle-même ? Elle disparaît. Bientôt, un meurtre particulièrement étrange attire l'attention de la police sur les pratiques secrètes de notre jeune homme. »



Faut-il être fétichiste pour apprécier ce livre ?
Je ne crois pas. Au-delà d’un style d’écriture raffiné et fluide, Geoff Nicholson nous gratifie d’une étude particulièrement aboutie de son sujet, le fétichisme du pied et du talon aiguille, et ce, jusqu’à remettre en doute les théories Freudiennes sur le sujet (complexe de castration). Mais plus généralement, il analyse à travers une fiction, le fétichisme dans son ensemble. Cette étude est à tel point approfondie que l’on se demande si cette œuvre n’est pas autobiographique, le narrateur étant Nicholson lui-même, nageant en plein fantasme. Mais ne nous y trompons pas. C’est avant tout une histoire d’amour, certes décalée, mais une histoire avant tout. Avec du suspense de surcroit !

Le personnage central ne peut vivre une sexualité normale qu’à travers des pieds féminins enveloppés de talons aiguilles. Mais pas n’importe quel pied ni n’importe quelle chaussure. Ce monsieur est très, très, très exigeant, et ne peut arriver au bout de ses fantasmes qu’en trouvant l’objet à la hauteur de ses exigences. Notre « héros » que l’on prend pour un malade mental au début du livre (à moins que l’on soit fétichiste soi-même et à cette condition tout parait peut-être logique), nous permet de percer un mystère pour certains, une certitude pour d’autres, ou encore une curiosité. Cet être est heureux avec ses désirs. Il sait qu’il possède quelque chose en plus des autres. Il nous fait ainsi parfaitement bien comprendre ce qu’il vit et ressent.

Et l’on se met alors à douter de l’anormalité de la chose. Car au-delà du fétichisme, Geoff Nicholson nous apporte une réflexion sur les clivages et tabous d’une société conservatrice et somme toute assez peu tolérante. Il nous met ainsi face à l’incompréhension d’une femme à être aimée pour ses pieds et non pour elle-même, mais aussi à celle d’autres hommes, spectateurs d’un fantasme perçu par leurs esprits étroits comme répugnant.
Dans le premier cas, celui de la femme, ses pieds ne sont-ils pas une partie d’elle-même, voire elle toute entière derrière cette partie de son corps ? Comme le dit très bien le narrateur, nous sommes tous aimés pour quelque chose de particulier. L’intellect, le visage, le corps ou une partie de celui-ci. Et donc pourquoi pas les pieds ?
Dans le second cas, celui des hommes, il nous prouve qu’il n’y a rien de sale ni même de pervers, contrairement à certaines autres pratiques sexuelles.

J’espère ne pas être allé trop loin dans la description de ce roman mais suffisamment pour vous donner envie de le lire, car je l’ai vraiment adoré et je ne saurais que trop le conseiller.