Le Jardin des supplices
de Octave Mirbeau

critiqué par Nicolas D., le 25 juillet 2011
(Lille - 42 ans)


La note:  étoiles
Fin de siècle
Quelle plume que celle de M. Mirbeau !
C'est avec l'apanage d'un critique d'art que l'auteur décrit les souffrances des suppliciés, d'une obscénité absolue, dans un pays où les bourreaux se disent artistes incompris et où les immondices côtoient les parfums les plus doux et les végétations luxuriantes. Par moment, l'on se rappelle la plume du Huysmans d' "A rebours" ou du Barbey d'Aurevilly des "Diaboliques".
Probablement un des ouvrages qui symbolise au mieux le décadentisme, avec les deux ouvrages sus-cités et les contes cruels de Villiers de l'Isle.
Le personnage principal, sans scrupule aucun pour la droiture et la morale, se voit banni d'une administration elle-même vérolée et corrompue. Il est envoyé comme botaniste (sans qu’il n’y connaisse mot en la matière) en Chine, pays alors chargé de mystères et destination privilégiée de maints aristocrates neurasthéniques. Il y rencontre une dame dont les moeurs sont comparables à celles d'un(e) démon succube, dévorée par une sinistre passion de la déliquescence des choses et des êtres.
L'amour s'en mêle et voici notre personnage en proie à de légitimes questionnements quant aux intentions de sa douce et à son rôle dans cette relation morbide.
Une des proses les plus douces au service d’une chronique à ne pas mettre entre toutes les mains, assurément.
Drôle de jardin ! 6 étoiles

Oui Mirbeau est une fameuse plume, c'est une évidence. Oui il véhicule des idées avancées pour l'époque. Quant il écrit que finalement l'homme occidental se comporte en barbare lui aussi, il prend une longueur d'avance.
Toutefois "le jardin des supplices" (tout au moins la seconde partie du livre), je le perçois comme un texte impudique qui fut sans doute un véhicule masturbatoire. Les choses pouvaient être dites autrement et en aurait gagné en puissance.
La première partie m'avait pourtant beaucoup plu, mais l'atroce ne me fera jamais vibrer.

Monocle - tournai - 64 ans - 13 juin 2016


Expérience des limites 8 étoiles

Rien à ajouter à la fiche de Nicolas D. ni aux autres critiques d’ailleurs.

J’y ai retrouvé par moment l’atmosphère du film de Pasolini tiré de Sade, avec son mélange de cruauté et d’esthétisme. J’ai pensé également au jardin vénéneux de « Soudain l’été dernier » de Tennessee Williams.

La première partie consiste en un prologue fort détaillé mais plus caustique, ouvrant sur une deuxième partie au ton fort différent, où l’on sent la détresse du héros piégé par son immoralisme.

N’oublions pas la copieuse préface qui, faisant l’apologie du crime gratuit, plonge déjà le lecteur dans un malaise moral.

Une lecture forcément éprouvante par moments mais une expérience littéraire, me semble-t-il, indispensable.

Alceste - Liège - 62 ans - 10 octobre 2015


Remarquable ! 10 étoiles

Ce roman court (230 pages à peu près) fut pour moi un choc. Certes un peu poussé parfois dans la descriptions d'atrocités, certes assez lyrique aussi par moments, ça reste un roman vraiment saisissant, mélange (d)étonnant entre sadisme et fleur bleue, l'amour d'un homme au passé trouble pour une jeune femme belle et troublante, amoureuse d'un pays (la Chine), et au caractère assez sadique.
Une sorte de "Vénus à la Fourrure" au pays des pandas, "Emmanuelle" pendant la guerre du Vietnam comme le dit si bien Michel Delon (qui signe l'introduction et les notes de l'édition Folio).
Je ne le conseillerai pas à tout le monde, non pas à cause de son écriture (qui, au contraire, est d'une fluidité totale, tel Huysmans), mais à cause de son sujet et de quelques passages assez morbides. Mais quel roman !

Bookivore - MENUCOURT - 41 ans - 7 mars 2015


La beauté du plus laid 8 étoiles

On nous torture pendant plusieurs pages avant d’arriver à ce fameux jardin des supplices et connaître la délicieuse Clara. Cette dernière est un personnage ignoble qui aurait bien pu être la sœur du Marquis de Sade. « Je n’y peux rien, mon bébé, et je tâche de m’en accommoder et de m’en réjouir, car le sang est un précieux adjuvant de la volupté… C’est le vin de l’amour… »

L’écriture fleurie et chantante de Mirbeau est idéale pour décrire la nature de plus en plus décadente de l’endroit morbide. « …aussi larges que les feuilles du ricin, enlaçait de ses ventouses un immense arbre mort, montait jusqu’au faîte du branchage et, de là, retombait en cataracte, en avalanche, protégeant toute une flore d’ombre qui s’épanouissait à la base entre les nefs, les colonnades et les niches formées par ses sarments croulants. »

Si le crescendo lugubre parvient à captiver le lecteur, cette visite d’une prison chinoise se termine par un sentiment d’inachevé. De même, les excès admiratifs des scènes de châtiment basculent souvent dans le grotesque. Néanmoins, il s’agit d’une œuvre fascinante, un classique des amants du frisson.

Aaro-Benjamin G. - Montréal - 54 ans - 26 août 2013