Playing for Keeps: Michael Jordan and the World He Made
de David Halberstam

critiqué par Oburoni, le 18 juillet 2011
(Waltham Cross - 41 ans)


La note:  étoiles
Michael Jordan : le joueur et l'icône
Michael Jordan. Dieu du ballon orange, sportif exceptionnel l'homme est aussi une icône, une "superstar" dont la carrière dépasse de loin le petit monde du basketball pour toucher à toute une époque, incarner toute une culture.

Dans "Playing for Keeps" l'historien et journaliste David Halberstam, avec passion et génie, a en effet le talent de retracer bien plus que la biographie du basketteur : il montre à quel point le bonhomme, à sa manière, personnifie les rapides bouleversements de toute une société qui l'a façonné, forgé pour en faire un Dieu du sport et du fric. C'est que, devenu professionnel en 1984 Michael Jordan, plus que son talent incroyable sur les parquets bénéficia d'un avantage sur ses prédécesseurs (Larry Bird, Magic Johnson...) : l'époque qui le vit mûrir en tant que joueur.

Halberstam, dans un livre intelligent et détaillé nous en apprend autant sur l'évolution du sport de haut niveau au cours des dernières décennies que sur le capitalisme triomphant (fou ?) qui l'accompagne.

Que les fans se rassurent : évidemment l'auteur revient sur le parcours du joueur, les grands moments de sa carrière du gamin talentueux de North Carolina aux Chicago Bulls (à eux seuls une saga tumultueuse). Mieux : il se sert de cette biographie pour dévoiler ceux qui ont aidé à en faire le succès que l'on connait (famille, coachs et coéquipiers, agents etc...). Seulement ce n'est pas ce qui m'intéresse ici en particulier. Ce qui démarque le livre est qu'il va au-delà pour décortiquer la naissance et l'ascension du culte Jordan, le culte spécial d'un homme payé plus de 40 millions de dollars par an juste pour jouer au basket.

A l'heure où la NBA elle-même est en pleine révolution (nouveaux patrons, nouvelle image, nouvelle politique), prenez un jeune joueur au talent exceptionnel et jetez-le dans une mondialisation effrénée, gavée de culture américaine où de nouveaux medias servent de plus en plus les cultes de stars aux salaires qui s'envolent, et vous avez tout les ingrédients pour accoucher d'une légende. ESPN, Nike, McDonald et autres grands pontes du fric triomphant se chargeront du reste : grâce à eux le joueur transcendera son sport pour devenir une icône, le symbole de toute une culture qu'Halberstam donne à voir avec brio et pertinence.

Fascinant, ce regard, en plus du retour sur la carrière exceptionnelle d'un basketteur génial, ajoute un intérêt particulier au bouquin qui, incontournable, régalera les fans.

En fait je n'y vois qu'un seul bémol (mais c'est vraiment chipoter !) : publié en 1999, soit après sa seconde retraite, le livre se termine avec la saison 1997-98. La fin, émouvante, est haletante et épique (lorsqu'en finale des playoffs il arrache la victoire aux Utah Jazz par un panier magique plombé dans les dernières secondes), on regrettera toutefois l'évident : pas un mot sur son retour en 2001. Une réédition mise à jour, comprenant sa courte carrière à Washington serait donc plus que la bienvenue ! Cela dit tel qu'il est "Playing for Keeps" est un bijou biographique.