Crépuscule sur l'Islam, voyage au pays des croyants
de Vidiadhar Surajprasad Naipaul

critiqué par Oburoni, le 11 juillet 2011
(Waltham Cross - 41 ans)


La note:  étoiles
L'Islam en action
La fin des années 1970 et le début des années 1980 représentent un tournant pour l'Islam. La révolution qui voit Khomeini prendre le pouvoir en Iran inspire d'autres pays, certains sombrant aussi peu à peu dans des théocraties islamistes. Le monde, soudain, semble basculer, s'éveiller à un fanatisme religieux de plus en plus dangereux et influent. Les femmes disparaissent sous des voiles, les dissidents jetés en prison ou lapidés en public, des citoyens fouettés dans les rues, les ambassades prises en otage, même la Mecque devient le théâtre d'un bain de sang.

V.S. Naipaul ne connait pas grand chose à l'Islam. Comme beaucoup alors il est ignorant de son histoire, de ses querelles théologiques mais, malgré son ignorance (ou plutôt à cause d'elle) il veut toutefois comprendre, saisir le pourquoi de son importance et de l'impact de plus en plus grand qu'il prend dans certaines parties du monde. Entre 1979 et 1980 il voyage donc pendant sept mois dans quatre pays où cette religion semble prendre des proportions majeures : l'Iran, le Pakistan, la Malaisie et, enfin, l'Indonésie.

Dans un climat chaotique il va des centres urbains aux régions les plus reculées, rencontre des gens simples et des personnalités intellectuelles, politiques et religieuses, découvre l'Islam tout en se confrontant à ses dérives les plus totalitaires et violentes.

C'était il y a plus de trente ans. Le tout reste pourtant tristement familier.

Instructif, plus on s'avance dans le livre et plus on contemple ces pays s'enfoncer dangereusement dans les ténèbres. Un nouvel obscurantisme religieux se répand, servant des intérêts politiques et nationalistes, catalysant les haines et frustrations de contrées à la dérive. Lucide, il s'agit aussi plus que de simple politique. Partout en effet, malgré ses divisions en sectes qui s'affrontent parfois violemment on saisit avec horreur comment l'Islam, de par la nature de la foi qu'il professe, constitue un fuel explosif.

La foi en Allah et dans le Coran y apparait comme étant plus, bien plus, que de se raccrocher à quelques dogmes et rituels. Il s'agit d'un tout, un tout qui embrasse de la politique à la morale, un mode de vie complet qui forge toute une identité. Une foi qui n'est pas seulement un concept abstrait, mais une abstraction qui se veut aussi forger toute une culture, une civilisation entièrement "soumise" à Dieu et ne laissant aucune place au compromis. Voyager aux côtés de Naipaul c'est saisir avec effroi les dangers d'une telle vision. Une telle foi, un tel tout, perçu comme il l'est comme étant la solution à des problèmes d'ordre politique et économique ne pouvant en effet que donner naissance à un prosélytisme brutal, la création d'une "société de croyants" devenant l'utopie à laquelle de plus en plus se raccrochent quel qu'en soit le prix.

"Crépuscule sur l'Islam", glaçant, constitue un étrange panorama. Naipaul, malgré son ignorance de départ reste ouvert et lucide. Il donne à voir un Islam divisé, en proie à d’incessantes et irréconciliables querelles théologiques, contesté parfois mais qui n'en demeure pas moins une dangereuse boite de Pandore. La foi aveugle qu'il implique, la "soumission" dans tous les domaines à des dogmes religieux qui s'accaparent alors le pouvoir inquiétait déjà. On en voit les répercussions, terribles, encore aujourd'hui.