I Remember (Je me souviens)
de Joe Brainard

critiqué par Lucien, le 1 juin 2002
( - 69 ans)


La note:  étoiles
Souvenirs, souvenirs...
Né en 1941 dans l'Arkansas, il s’installe à New-York dans les années soixante et devient un plasticien «pop» dans la mouvance d'Andy Warhol. Poète, il est membre de «l'école de New-York», comme Harry Mathews, un des meilleurs amis de. Georges Perec. Entre 1970 et 1975, Joe Brainard, qui mourra en 1994, publie trois séries de ces «I remember» : près de 1500 petits souvenirs sans importance réunis dans ce volume.
Sans importance ? C'est vite dit. C'est en effet ce livre qui donna à Georges Perec l'idée de rédiger ses propres «Je me souviens», un livre bien connu de tous les amoureux de «Gargas Parac». Ce serait déjà un titre de gloire suffisant pour ce peintre original qui aspirait à être «le meilleur de sa génération». Mais l'œuvre en elle-même mérite que l'on s’y attarde : les «I remember» de Brainard sont sensiblement différents de ceux de Perec. Plus personnels, plus sensuels, plus intimes. Et puis, américains, bien sûr. C'est toute une époque, toute une culture qui se dessinent dans ces évocations de vêtements, coutumes, fêtes, films, nourritures : beurre de cacahuètes, Pepsi, Halloween, Montgomery Clift dans «Une place au soleil», les bermudas, les « pulls pastel, floconneux »… C'est la découverte de l’homosexualité par un adolescent timide, ce sont les fantasmes de gloire d’un jeune artiste, les mille expériences quotidiennes d'un être humain aux prises avec la vie que Joe Brainard dépeint & qu'il peint & dans ce petit volume à déguster par petites doses, entre rire, sourire et cette petite émotion, parfois, du «moi aussi»…
Quelques exemples? «Je me souviens de cette sensation unique quand on enlève la crasse du nombril.» «Je me souviens des chaussettes qui descendent.» «Je me souviens que quelqu’un m'a dit que si l’on pétait sur une allumette allumée cela faisait une grande flamme bleue.» «Je me souviens du bouillon de poule au vermicelle quand on est malade.» «Je me souviens des trois meilleures façons d’attraper un rhume : marcher pieds nus, ne pas dormir assez et avoir les cheveux mouillés.» «Je me souviens des chaînes de lettres.» «Je me souviens de ne pas avoir compris comment un bébé pouvait sortir d'un si petit trou (je ne comprends toujours pas).» «Je me souviens de m’être regardé dans une glace et d'y avoir vu un étranger.»
La suite dans «I remember» de Joe Brainard. La suite dans Perec. La suite dans vos propres souvenirs.