De si braves garçons
de Patrick Modiano

critiqué par Jlc, le 23 juin 2011
( - 81 ans)


La note:  étoiles
Un léger parfum de naufrage
Patrick Modiano appartient à cette catégorie d’écrivains dont on reconnaît le style dès les premières phrases. Un style, « une petite musique », une nostalgie douce, des histoires qui se ressemblent un peu par l’époque, les lieux, les ombres des décors, la quête des personnages. C’est ainsi que se construit et se structure une œuvre.

« De si braves garçons » n’est pas un roman. Le procédé littéraire utilisé rappelle celui d’Arthur Schnitzler dans « La ronde » dont Max Ophuls tira un si beau film. Chaque chapitre est une nouvelle histoire dont le personnage principal est lié à ceux des autres récits par un point commun, ici celui d’avoir été élève d’un collège de garçons dans les années 40 et 50.

Dans un village de ce qu’on appelait autrefois la Seine et Oise, un collège privé accueillait des garçons « perturbés par leur situation familiale », « enfants du hasard et de nulle part ». Leurs parents étaient souvent fortunés, parfois étrangers, cosmopolites ou interlopes mais surtout distants, voire indifférents, tant ils étaient occupés par la comédie de leurs vies. Cet établissement se voulait un creuset d’éducation plus que d’instruction formant des hommes. Mais que sont devenus ces collégiens, leurs maîtres et leurs familles?
Au cours d’une existence vagabonde de comédien, le narrateur va les rencontrer, et toujours à un moment crucial de leur vie. Chaque chapitre peut se lire comme une nouvelle. Dès lors, résumer ce livre serait hasardeux et vain. On évoquera plutôt quelques impressions telle celle de cet ancien prof de chimie, entraperçu seul devant un cinéma qui « jetait des regards furtifs sur les enfants. Nos yeux se rencontrèrent, il détourna la tête » avant de quitter imperceptiblement la queue et de se perdre dans la foule du boulevard, révélant une vie secrète déjà devinée. On se souviendra de Martine, la sœur d’un externe, subjuguant ces garçons qui doivent rester « derrière la grille à suivre des yeux la tache tendre de sa robe dans le crépuscule ». Phrase magnifique qui traduit bien les émotions sensuelles d’adolescents de l’époque, enfermés dans un univers trop ordonné. On croisera la petite Bijou qui réapparaîtra plus tard dans l’œuvre de Modiano. On est bouleversé par le destin de Johnny, juif sans papier, qui pour une fois ne descendit pas à la station Passy mais à Trocadéro où il fut arrêté.
Des collégiens qui ont peur de mal vieillir, qui ne peuvent se résoudre à ce que « le monde ne fût pas une éternelle surprise party », dormant seuls dans des nurseries sans bébé, dominés par des femmes mystérieuses, marqués à vie par un destin trop lourd pour eux, enfermés dans le refuge d’une enfance irréelle, de braves garçons que « le collège avait laissés bien désarmés devant la vie ».

J’ai aimé ce « léger parfum de naufrage » qui fait le charme troublant des livres de Modiano. Même si, dans celui-ci, l’exercice est un peu formel, sa lecture n’en procure pas moins un agréable plaisir comme celui de retrouver un vieil ami dont on a partagé la jeunesse.
mon premier Modiano 8 étoiles

"De si braves garçons " de Patrick Modiano (186p)
Ed. Folio

Bonjour les fous de lectures....
Et si je vous disais que c'est mon premier Modiano !!!
Il était temps !
Le narrateur, Patrick (certainement Modiano), est un ancien pensionnaire du collège Valvert.
Collège "huppé" de la région parisienne qui rassemble des garçons plus ou moins abandonnés par leurs familles riches, instables, fantasques, suspectes.
Vingt ans après avoir quitté le collège, Patrick se souvient des amitiés nouées avec certains élèves et professeurs.
Après s'être dispersés et perdus de vue pendant des années, le hasard de la vie fait que le narrateur retrouve certains d'entre eux.
S'ensuit un mélange "passé/présent".
"Roman" (autobiographique?) à l’atmosphère trouble remplie de secrets, de non-dits.
De cette enfance un peu déjetée, déjantée, sortiront des adultes instables, mouvementés.
La solitude de ces garçons est poignante et leurs portraits dépeints avec talent.
Roman "vintage" au goût des années 50.
Agréable et vite lu.
Bien aimé.. je continuerai à découvrir cet auteur.

Faby de Caparica - - 63 ans - 25 janvier 2021


D'aimables souvenirs de jeunesse 7 étoiles

Cet auteur bien connu, au style en effet bien reconnaissable, retrace ici des souvenirs de son collège privé, des personnalités du directeur, des enseignants et camarades, des activités sportives et théâtrales, des interdictions de sorties, des moments de convivialité, d'ennui, de sa nostalgie, des rencontres.
Tout cela est mignon et suranné, comme la consultation d'un vieil album photo. De ces quasi-saynètes, il n'en ressort rien de vraiment saillant, de bien original. L'atmosphère est certes retranscrite, on se visualise dans les murs et le jardin de ce bahut de temps révolu, mais cela ressemble à un aimable carnet de notes éparses.
C'est agréable et vite lu ; j'ai découvert plus profond et plus dense de cet auteur. On peut se laisser tenter.

Veneziano - Paris - 46 ans - 11 mai 2014