De l'autre côté de la rivière, Sibylla
de Edmée de Xhavée

critiqué par VLEROY, le 14 juin 2011
( - 45 ans)


La note:  étoiles
Une lutte contre les conventions et l'hypocrisie
Le roman commence par l'inauguration de "Sibylla", le nouveau restaurant à Verviers d'Emma et Jean. Le frère et la soeur rendent ainsi hommage à leur ancienne gouvernante. Après le décès de leur mère Pauline Depage, la garde avait été accordée à leur riche famille maternelle au détriment de leur père Félix Lemarchand. Les deux enfants sont confiés à leur tante célibataire Marie qui engage Sibylla. Cette dernière les protège des mesquineries et des méchancetés du clan Depage qui n'a jamais accepté l'amour de Pauline pour Félix. Au fil du roman, Sibylla se remmémore l'enfance, l'adolescence et les relations d'Emma et Jean qui s'affranchissent peu à peu de leur famille maternelle et reprennent contact avec leur père. Leur vie sentimentale ne sera pas ensuite un long fleuve tranquille, mais ils peuvent toujours compter sur Sibylla pour se confier. Et c'est au moment où ils trouvent la sérénité que celle-ci passe de l'autre côté de la rivière...

"Les Romanichels" (son premier roman paru en 2009) et "De l'autre côté de la rivière, Sibylla" sont tous deux bien écrits, racontent des histoires de familles, et se terminent sur une note positive. Ils montrent comment la jeune génération s'est affranchie des conventions et de l'hypocrisie qui régnaient dans certaines couches sociales, afin de mener leur vie comme elle l'entend. Personnellement, j'ai une préférence pour ce deuxième roman par rapport aux "Romanichels".
Et l'amour alors ! 8 étoiles

Dans une bourgade wallonne, au XX° siècle, Emma et son frère Jean perdent rapidement leur mère, mal mariée avec un fils de commerçant, et sont récupérés avec autorité par leur grand-père maternel, ancien colonel, qui les confie à son autre fille qui manque de prétendants suffisamment élevés dans la société pour échapper au célibat. La tante impose une éducation draconienne, comme l’exige leur rang social en y ajoutant, cependant, une part de la vengeance qu’elle voudrait rejeter sur tous ceux qui pourraient être responsables de son bien triste sort de vieille fille. Seule Sibylla, la gouvernante qui raconte l’histoire, adoucit du mieux qu’elle le peut la rudesse de l’éducation imposée par la tante aigrie par une vie sans amour.

C’est la vie difficile, douloureuse est parfois même cruelle de ces deux enfants qu’Edmée met en scène dans ce livre avec ses mariages sans réel amour, ses accidents, un peu trop nombreux à mon goût, ses guéguerres et ses rivalités de personnes, de familles, de clans, … Ces enfants mettront longtemps avant de sortir du carcan familial et de suivre le chemin de leur mère qui avait préféré la liberté et la joie de vivre à une vie de riche douairière austère et triste ou de banale commerçante enrichie.

Ce roman rappelle évidemment le précédent écrit par Edmée, « Les Romanichels » : même milieu rural, même société provinciale, mêmes difficultés récurrentes pour les femmes essayant de s’extraire du carcan familial, mêmes rivalités entre une aristocratie anachronique et une bourgeoisie enrichie mais cette fois ce n’est pas seulement le sort des femmes qui est disséqué, c’est l’éducation des enfants et leur construction pour devenir adulte qui est au centre de l’œuvre.

Edmée est très à l’aise dans la dissection des relations dans les couples qui sont presque toujours mal équilibrés. Elle ne semble pas beaucoup croire à la pérennité des couples qui explosent presque toujours, par manque d’amour, dans ses livres. Ainsi le couple n’est même plus un refuge contre les cruautés de la vie. Les femmes se retrouvent souvent seules face à un destin qui est souvent contraire et parfois même cruel. On dirait qu’Edmée est un peu désabusée et qu’elle regarde la vie avec un regard à la fois amer et acide comme si elle souffrait encore de blessures mal cicatrisées. Cependant, elle ne sombre jamais dans un pessimisme outrancier car elle réserve toujours une porte de sortie agréable à ceux qui savent aimer par amour ou amitié. Le bonheur et la joie sont possible dans l’œuvre d’Edmée mais seulement à ceux qui ont payé un lourd tribut de douleur et de sacrifices.

Un livre sombre, plus sombre que le précédent, comme si l’auteur perdait un peu de son enthousiasme en considérant l’évolution actuelle de la société. Mais, l’espoir n’est pas mort les sages sauront dénicher le bonheur dans les recoins de notre monde.

Débézed - Besançon - 77 ans - 8 août 2012


Avis aux verviétois 10 étoiles

C'est l'histoire de deux enfants issus de deux familles verviétoises, l'une riche et l'autre non.
C'est un roman savoureux pour les habitants de cette région. Les descriptions des lieux, des habitudes, des expressions et même des mesquineries sont exceptionnellement réalistes.
Je reconnais ou me souviens de certains endroits.
Pour le fun, j'avais à mon ancien lieu de travail des photographies d'époque de la boulangerie Hansenne, de la piscine de Mangombroux...
Que du bonheur de lire ce livre si bien narré par la gouvernante Sibylla!

Koudoux - SART - 60 ans - 30 juillet 2012


Soyez curieux et lisez ce livre ! 10 étoiles

J’ai lu :
De l’autre côté de la rivière, Sybilla : D’Edmée de Xhavée, Editions Chloé des lys, année 2010, 251 pages, ISBN 978-2-87459-519-6

L’histoire ? Aujourd’hui, c’est la fête à Verviers, grand rassemblement familial à l’occasion de l’inauguration du nouveau restaurant de Jean et de sa sœur Emma, Sybilla.

Pour Jean et sa sœur Emma, les hôtes de cette journée, derrière ces sept lettres, S.Y.B.I.L.L.A., retentissent les émotions de toute une vie ; car Sybilla, c’était le nom de leur ancienne gouvernante, celle qui fut choisie après le décès de leur maman, Pauline Dupage, pour veiller sur leur éducation …

Originalité du roman : c’est Sybilla elle-même qui raconte …

Après le décès de Pauline Dupage, son mari, Félix Lemarchand est plus ou moins écarté de l’éducation de ses deux enfants par les grands-parents Dupage, une famille bourgeoise très respectée dans la ville de Verviers. Derrière ce terme, bourgeoise, entendez austérité, rigueur de l’éducation, liberté limitée, œuvres paroissiales, amour illimité envers l’argent…Nous sommes dans les sixtees…
Marie Dupage, sœur de Pauline Dupage est restée vieille fille et, habitant toujours sous le toit familial, c’est elle qui oriente ou plutôt qui désoriente, du haut de son égocentrisme, de sa jalousie maladive et de ses manigances désarmantes, les journées des enfants et bientôt des adolescents.

Pendant toutes ces années, Sybilla aimera ces jeunes gens comme s’ils étaient issus de son propre sang. Elle sera celle qui, par son doigté et sa connaissance innée de la psychologie, adoucira dans la vie de jean et Emma les rudesses, les chagrins et les déconvenues. Elle sera une médiatrice entre la famille Dupage et la famille Lemarchand.

C’est surtout le style de l’écriture de cette lauréate de plusieurs prix littéraires que je voudrais mettre ici en valeur. Edmée de Xhavée est une narratrice hors pair. Son talent principal est selon moi cette faculté de transmettre à travers le récit, une légèreté et un humour inégalables, alors qu’en fait, l’enfance et l’adolescence de Jean et Emma n’a rien de bien drôle : mère décédée, père absent…
Edmée de Xhavée, en mettant en lumière toute la poésie qu’il ressort du monde de l’enfance et de l’adolescence, équilibre à merveille le côté sombre de l’histoire. Le langage des argonautes, une espèce d’espéranto connu seulement de Jean et Emma est une pure merveille. Lisez ce récit et vous saurez ce que signifie faire caravane, qui était la reine Zozor, qui était pantalon Marcel, et quels étaient les jours heudebert !
Dans cette famille, les surnoms sont savoureux : Zézette, Cri-Cri, Chiquita…

Un bon point également pour les descriptions des personnages ! Une vraie galerie théâtrale !
- Page 48 : Et ses cheveux, qu’elle teint avec un mélange de sa composition – Caramel royal et Cuivre des steppes- donnent à son visage trop fardé l’air d’une méduse hagarde et craquelée à la tête entourée de serpents corail.
- Page 198 : Une vieille dame en bigoudis sous un foulard de plastique transparent et maquillée comme une cantatrice, juchée sur son tabouret de bar, agitait des jambes gainées d’un training doré en aspirant bruyamment un milk-shake.

A présent, vous comprenez pourquoi la ville de Verviers a mis à l’honneur, voici quelques jours, cette écrivaine talentueuse qui avec son premier roman paru en 2009, LES ROMANICHELS, avait déjà séduit tout un lectorat.

Chaque semaine, sur le blog http://edmee.de.xhavee.over-blog.com, primé en 2009 par TV5, lisez un texte de cette auteure.


Carine-Laure Desguin

Carine-Laure Desguin - - 61 ans - 14 septembre 2011