Ecrits dans les marges : De la pratique du gribouillage comme art gourmand de la lecture
de Danielle Bassez

critiqué par Sissi, le 29 mai 2011
(Besançon - 53 ans)


La note:  étoiles
"De la pratique du gribouillage comme art gourmand de la lecture."
En guise de titre pour cette critique, le sous-titre de ce charmant petit livre, qu’on lit à la manière dont il a sans doute été écrit : comme une parenthèse.

C’est en effet un petit moment suspendu que nous offre Danielle Bassez.
On l’imagine très volontiers faisant du rangement un jour de pluie, fouillant de vieilles caisses remplies d’effets personnels de son père défunt, et trouvant par hasard quelques livres desquels s’échappent de petits fragments de papier, « de minces papiers de soie, des bandes d’expédition de journaux, des fétus, qu’il planque entre les pages et qu’on retrouve en feuilletant ses livres . »

On l’imagine encore, partant à la recherche de tous ces précieux vestiges de l’univers intime paternel, parce qu’ils en disent long sur ce qu’il fut, et le dévoilent profondément, même malgré lui. Parce que la vérité qui s’en dégage est belle et nue.
Ce père, admirable et travailleur, qui lisait (et écrivait) en secret, tout, de la littérature populaire, « les poèmes d’un mineur » par exemple, à Proust et Jankélévitch, dans des endroits saugrenus comme la cave et le grenier (« Au grenier, Proust l’attend »).

Grâce à toutes ces petites notes, ces petits dessins, ces listes de mots, ces questions, ces réflexions personnelles, ces bribes de pensées, cette intimité révélée, la narratrice réinvente ce père disparu, s’interroge sur ce qu’il a profondément été, tente de le cerner, lui voue une timide admiration : « Il lit des livres denses […] qui se défendent par toutes les ronces d’un vocabulaire hermétique et dans lesquels on pénètre avec difficulté. Où trouve-t-il le temps ? »
Se demande quelle était sa véritable nature. Le découvre, et s’émeut de cette découverte posthume.

« Voilà ce qu’il sentait, rêvait. Et l’on n’en savait rien. Il se confiait au papier, aux pages d’un livre ami, et pour se murmurer à lui-même cet émoi fugitif, coulait sa voix dans les mots d’un autre. »

Très jolie parenthèse, qui se referme bien trop vite.