Les entretiens de Nuremberg
de Leon Goldensohn

critiqué par Chene, le 28 mai 2011
(Tours - 54 ans)


La note: étoiles
Les responsables nazis et leur psychiatre
Mais qui est Leon Goldensohn ? Inconnu de l’histoire et pourtant… Léon Goldensohn fut ce psychiatre de l’armée américaine de 34 ans au moment où la psychanalyse balbutiait encore, qui mena des entretiens, dans les cellules de Nuremberg, avec les plus grands criminels de l’histoire encore en vie au moment du procès (Hitler, Himmler, Gobbels, Bormann avaient ou disparus ou étaient morts, d’autres étaient en fuite).
On est en janvier 1946 et le procès de Nuremberg vient de commencer.
Léon Goldensohn est chargé de veiller à la santé mentale des accusés. A ce titre, il va s’entretenir de façon individuelle (avec un traducteur) avec: Göring (président du Reichstag et chef de l’armée de l’air, Joachim Von Ribbentrop (ministre des affaires étrangère), Wilhelm Keitel (chef d’état major), Hans Franck (gouverneur général de Pologne), Karl Donitz (commandant en chef de la marine), Alfred Rosenberg (idéologue du parti nazi et ministre des territoires occupés), Rudolf Hoss (commandant d’Auschwitz), Rudolf Hess (chef adjoint du parti), Alfred Jodl, Oswald Pohl (chef de l’office économique et administratif central SS) et bien d’autres encore ministres, politiques et hauts dirigeants et responsables du régime nazie ou de la Wehrmacht, en tout, 33 entretiens avec 33 responsables. Il a consigné tous ces entretiens dans des carnets et c’est seulement longtemps après sa mort que ces carnets ont été publiés (Léon Goldensohn est décédé en 1961, ses carnets n’ont été retrouvés qu’en 1994 et publiés la première fois en 2004 seulement).
Dans ces entretiens chacun de ces hommes, qui seront pour la plupart condamnés à mort, se dévoilent et font des confidences à Léon Goldensohn : enfance, adolescence, parents, milieux sociaux, mariage, vie sexuelle, famille, carrière, adhésion au parti, participation au régime, fascination ou non pour Hitler…
On apprend beaucoup de choses sur ces criminels et sur leurs parcours, certains entretiens sont très instructifs. Cependant on reste sur sa faim quant aux analyses psychiatriques de ces individus. De plus, il faut bien connaître l’histoire de la seconde guerre mondiale pour suivre. Le document est volumineux 535 pages d’entretiens et il arrive qu’on s’ennuie parfois. Mais ces entretiens sont riches de renseignements pour les historiens.
Humains, nazis 7 étoiles

Un document fascinant. Effectivement on reste sur notre faim quant aux profils psychiatriques des concernés, contrairement à ce que le sous-titre, alléchant, suggère; mais malgré tout il donne à voir le nazisme sous un nouvel angle.

En effet on perçoit souvent les hauts dignitaires de ce régime comme incarnant le Mal absolu, les représentants d'une idéologie à la brutalité animale, inhumaine. Le procédé est facile : il aide à nous en distancier, au risque d'engendrer l'incompréhension. Ici la démarche (un psychiatre s'entretenant avec des hommes qui, pour la plupart, n'ont plus rien à perdre) nous les rend plus proches, leur rend, quelque part, leur humanité trop souvent ignorée, niée. Pas d'angélisme, attention ! Mais lire "Les entretiens de Nuremberg", s'asseoir dans leurs cellules, avec eux, pour les écouter nous raconter qui ils sont vraiment, est très instructif : c'est le nazisme vu par les nazis eux-mêmes.

Ce qui est d'ailleurs étrange est que, interviewés par un médecin-psychiatre, des 33 individus concernés (accusés et témoins) seuls deux relèvent de la psychiatrie : Rudolf Hess, bien sûr, et Streicher. Les autres, c'est une surprise, sont en fait très intelligents, voir agréables à "écouter" (Donitz et Speer, en particulier). De fait, des 22 accusés 7 avaient un QI supérieurs a 130... Le livre, encore une fois, est fascinant par cet aspect, ce rendu de leur côté humain.

Les chapitres défilent, se lisant comme des fiches biographiques où les concernés reviennent sur leur parcours, entrecoupé par les commentaires de Leon Goldensohn sur leurs psychologies. Tout n'y est pas : seul l'essentiel de ses conversations semblent avoir été extrait pour être livré ici, ce qui est pratique mais ne permet malheureusement pas de juger de la valeur des choix en question. Mais qu'importe !

Pour quiconque s'intéresse suffisamment au nazisme pour tenter de comprendre en allant au-delà du répulsif de leurs actes et idées, ce livre est passionnant.

Oburoni - Waltham Cross - 41 ans - 29 mai 2011