La grève des bàttu, ou, Les déchets humains
de Aminata Sow Fall

critiqué par Carmen, le 25 mai 2011
( - 78 ans)


La note:  étoiles
quand des mendiants font grève
Un vrai bijou, une gourmandise sucrée-salée qui se laisse dévorer en quelques heures ! Pour évoquer le problème social universel de la misère et de la mendicité, Aminata Sow Fall nous offre un roman où l’humour et l’ironie côtoient le malheur et la douleur.
Elle nous démontre avec beaucoup d’humour que les mendiants, ces exclus de la Bonne Société de la Ville (Dakar ?), sont en fait un mal nécessaire puisqu’ils permettent, pour quelques pièces, un poulet et deux ou trois noix de kola, de se blanchir de ses péchés ou d’acheter la bonne grâce des esprits bienfaisants. C’est ce que découvre à ses dépends Mour Diaye, le Directeur du Service de Salubrité Publique quand les mendiants, chassés de la Ville par les agents de son service, décident de faire grève et de ne plus revenir
mendiants et fiers de l'être 10 étoiles

Une fable, au message clair comme de l'eau de roche, dans un pays imaginaire d'Afrique noire où règne, comme partout ailleurs dans le monde, corruption et laisser-aller. À l'approche d'un remaniement gouvernemental, Mour Ndiaye, le directeur du Service de la Salubrité Publique, brigue le poste de vice-président de la république. Il va donc faire du zèle et charger son fidèle adjoint Kéba Dabo de désencombrer la ville de ses mendiants, une tache bien trop visible aux yeux des touristes tant attendus. Mais c'est sans compter sur la capacité d'organisation et de résistance de cette confrérie, qui bénéficie d'une opinion très favorable au sein d'une population marquée par les croyances ancestrales en les bienfaits magiques des dons aux nécessiteux. Une bonne leçon va être administrée à ce puissant infatué de lui-même et se croyant au-dessus des lois. D'une portée universelle, tel un conte de Voltaire, ce pamphlet original et d'une grande qualité d'écriture démontre avec humour la vanité de ces puissants personnages, géants aux pieds d'argile, qui croient naïvement que le reste de l'humanité les admire et les respecte. Un bol d'air, bien salutaire…

Jfp - La Selle en Hermoy (Loiret) - 76 ans - 21 octobre 2018


Charité bien ordonnée 7 étoiles

L'ambitieux directeur du Service de la Salubrité Publique de la ville, Mour Ndiaye, n'a plus qu'une obsession, au nom de la modernité et du développement touristique: faire disparaître du paysage urbain les mendiants qui viennent assaillir les passants. Il compte sur son bras droit, Kéba Dabo, un homme efficace et intègre, qui, de par son passé familial, abhorre toute forme de mendicité. Les mendiants, chassés et battus, se réfugient dans une maison à la périphérie de la ville. Oui mais voilà ! Dans la tradition africaine, l'offrande au mendiant est incontournable pour voir se réaliser certains vœux... Et peut-être que Mour Ndiaye, pour accéder au poste rêvé de la vice-présidence du pays, aura besoin des mendiants plus vite qu'il ne le croit ! Mais ceux-ci risquent de se montrer peu coopératifs...

C'est un très bon récit que j'ai pris beaucoup de plaisir à lire. L'auteur l'a construit comme une fable contemporaine, en y mélangeant beaucoup de réalisme mais aussi d'humour. Et sur un sujet a priori pas très sexy (les mendiants en Afrique, bof !) on sourit beaucoup à la lecture de ces pages, d'une fraîcheur intacte. La narration est bien construite, ainsi que la psychologie des personnages. Avec une écriture un peu sèche peut-être, mais vigoureuse et pleine de vivacité, l'auteur amorce, mine de rien et sans juger la société africaine, plein de réflexion sur l'articulation entre la modernité et la tradition.

Fanou03 - * - 49 ans - 1 mai 2013