Un été sans les hommes
de Siri Hustvedt

critiqué par Jules, le 16 mai 2011
(Bruxelles - 80 ans)


La note:  étoiles
Voilà un titre des plus vrais !
Le « Sans les hommes » est de circonstance !


Ce livre est écrit par une femme et son univers est entièrement tourné vers elles.

Attention ! Croire qu’il pourrait n’être intéressant que pour des femmes serait une énorme erreur commise par les hommes. Ceci n’est bien sûr que mon avis.

Depuis « Tout ce que j’aimais » il est clair que Siri Hustvedt est très intéressée par tout ce qui touche le comportement humain, la psychiatrie, la psychologie, le cerveau etc. Ce livre n’échappe pas à cette passion.

La narratrice commence son récit dans lequel elle est aussi le personnage principal :
« Quelque temps après qu’il eut prononcé le mot pause, je devins folle et atterris à l’hôpital. » La pause consiste, après plus de trente ans de mariage, au départ de son mari avec sa nouvelle secrétaire qui serait bien plus jeune et une vraie bombe. Que veut dire « pause » ? Un intermède, court, long ? Une rupture, temporaire, définitive ? Tout est possible !

Reviendra, reviendra pas ? En voudra-t-elle encore ou plus ?

Elle ne restera pas trop longtemps à l’hôpital et aura la chance de trouver une nouvelle place de professeur de poésie dans une petite ville, Bonden, où sa mère vit dans une institution pour personnes âgées. Elle n’aura que sept élèves en tout.

Pour commencer elle sera aidée par sa mère et trois de ses amies aussi âgées l’une que l’autre. Pour elles les choses ne peuvent que suivre une pente descendante, mais cela ne les empêche pas de conserver le moral. Se fille unique, Daisy, va également lui être d’une grande utilité ?

Elle va aussi faire la connaissance d’une voisine et de ses deux enfants. Celle-ci est loin d’avoir la vie facile car son mari boit et la bat régulièrement tirant des hurlements des enfants.

Pour lui compliquer encore un peu plus la vie voilà que six de ses élèves torturent mentalement la septième au point qu’elle va s’effondrer. Ses cours prennent une drôle d’allure.

Tout au long de cette histoire, parfois un peu emmêlée, l’auteur va nous parler de psychiatrie, de sentiments, de blessures morales, de Jane Austen, des avantages du pénis par rapport à la femme.
Elle nous dissèque que la femelle aussi, dans le monde animal, connaît l’orgasme au contraire de ce qui avait été dit. Toutes les espèces auraient un clitoris. Le cerveau de l’homme et de la femme fonctionne tout à fait différemment attirés qu’ils sont par des choses différentes ou des capacités. Mais cela évolue dans le temps et de toute façon il serait prouvé que la liaison entre les deux parties du cerveau est aussi bonne chez l’un que chez l’autre etc.

Voici un modèle de ce que je n’aurais jamais pensé (honte sur moi) :

« Plus jamais d’enfants…. On éprouve une tristesse mélancolique à la fin de la fertilité, une nostalgie, non d’un retour aux jours où l’on saignait,mais la nostalgie de la répétition pour elle-même, de la régularité du rythme mensuel, de l’invisible attraction de la lune en personne, à qui l’on a un jour appartenu…… croissance et décroissance – vierge, mère, vieille. »

Il m’est impossible de vous parler de tout ce qui m’a intéressé dans ce livre et, malgré les quelques diversions bizarres, je le conseille vivement.
Un été sans les hommes ou le féminisme bienveillant 9 étoiles

Temps d’un été entre femmes, temps de réflexion, Mia, l’intellectuelle, revient sur sa vie et parsème son histoire d’écarts introspectifs toujours en lien avec ce qui le construit : conception de l’intelligence féminine au fil des âges (construction cérébrale, rôle social,…), plaisir sexuel chez les femelles de toutes espèces, littérature féminine (à comprendre : écrite par des femmes, lues par…qui ?). On pourra qualifier ce roman de féministe, certes. Mais c’est surtout un féminisme bienveillant, visant à mettre le doigt sur les conceptions inconscientes ayant encore parfois la dent dure.

Que ce soit au travers de digressions pertinentes, de correspondances avec un mystérieux M. Personne, d’exercices poétiques proposés à ses adolescentes en construction et en souffrance, de réflexions sur la littérature et la vie avec certaines dames du club de lecture (dont surtout Abigail, la secrète créatrice de broderies subversives), la narratrice amène subtilement ses idées. Elle cite Plutarque, Socrate, évoque Kierkegaard, appelle à des théories scientifiques passées, loue Jane Austen, cette auteure subtile et sensible, à la fois glorifiée et décriée mais souvent snobée par le lectorat masculin ("La vie en province, indigne d’observation ? Les douleurs des femmes, sans importance ? Ca peut aller quand c’est Flaubert, bien entendu. Pitié pour les idiots.").

"Les femmes lisent des fictions écrites par des hommes et par des femmes. La plupart des hommes, non. Si un homme ouvre un roman, il aime avoir sur la couverture un nom masculin ; cela a quelque chose de rassurant."

"Le temps est une question de pourcentages et de conviction à la fois. Si à la moitié de votre vie, vous aviez six ou sept ans, l’espace de ces années semblerait plus long que cinquante années pour un centenaire, parce que dans l’expérience des jeunes le futur parait sans fin et qu’ils considèrent normalement les adultes comme appartenant à une autre espèce. Seuls les gens âgés ont accès à la brièveté de la vie."

Si la femme est au centre de ce récit, le regard porté sur elle n’est pas plus complaisant que sur l’homme : rivalités, faiblesses, cruautés, parts d’ombre sont aussi au menu. Ouvrage construit et déconstruit, où l’auteur flirte avec les limites de l’essai tout en ne négligeant rien de la part romanesque.

Pour ma part, je n'ai rien trouvé d'ennuyeux à ces digressions "philosophiques" (pour leur trouver un qualificatif), au contraire, elles font la richesse de ce livre qui, en leur absence, aurait pu être bien plus consensuel.

Bluewitch - Charleroi - 45 ans - 26 février 2014


Femmes entre elles 7 étoiles

Un été sans les hommes, certes, mais si les femmes sont entre elles dans cette ville du Minnesota, les hommes ne sont pas loin, ils sont en coulisses, sujets de conversation, de préoccupation, source de douleurs.

La narratrice Mia, en état « postpsychotique » après le choc de la séparation d’avec Boris, les montre comme des êtres ou « en pause », ou disparus, ou défendant des théories discriminatoires pour les femmes. Le portrait du mâle qui apparaît alors en creux dans le roman est le plus souvent négatif : souvent faible ou futile, lâche, voire violent. En revanche Mia présente la femme comme dépendante ou victime de l’homme et la vie de couple comme une difficile succession de compromis. La narratrice prend d’ailleurs régulièrement à témoin son lecteur. Les apostrophes telles que « cher lecteur… gentil lecteur….vieil ami » « je suis à vous, tout à vous » témoignent de sa volonté de le convaincre du bien fondé de son regard et de ses réflexions .

Un roman à thèse ? oui, semble-t-il ….Nombreux sont les passages où s’opposent des théories philosophiques, sur la distinction homme/femme, sur la spécificité de leur intelligence, de leur plaisir sexuel, passages souvent pesants, qui interrompent le récit de l’action. Je préfère les ouvrages où Siri Husdtvedt se présente comme « simple » romancière et où sa fiction n’est pas prétexte à affrontement de thèses philosophiques.

Bien sûr, le happy end final ramène le récit à une dimension romanesque qu’on pouvait avoir oubliée : Boris revient vers Mia, la pause semble terminée. Un dénouement heureux à dimension cinématographique : après le point final apparaît un « fondu au noir »qui laisse au lecteur-spectateur toute latitude pour imaginer les retrouvailles.

J’ai goûté le regard que jette Siri Hustvedt sur les femmes entre elles , sur les rapports de rivalité ou d’exclusion entre les adolescentes, sur les rapports de sororité que Mia entretient avec Lola ou avec les femmes âgées de la maison de retraite, en particulier avec Abigail, la brodeuse dont les ouvrages dévoilent en leur verso des scènes érotiques. Mais je me suis souvent sentie agacée par la récurrence des passages théoriques, et un peu déçue de ne pas retrouver le plaisir de lecture procuré par TOUT CE QUE J’AIMAIS ou L’ENVOUTEMENT DE LILY DAHL

Alma - - - ans - 3 mars 2012


Ironie de l'infidélité 6 étoiles

Mia est professeur de poésie dans une université à New York, la cinquantaine bien entamée elle est mariée à un neurochirurgien, Boris depuis trente ans. Un jour il lui annonce qu’il veut faire une pause, il s’avère que la Pause est française, qu’elle travaille avec lui et qu’elle a vingt ans de moins qu’elle ! Complètement déstabilisée, Mia perd les pédales et se retrouve quelque temps en hôpital psychiatrique. À sa sortie, elle s’installe provisoirement dans une maison du Minnesota à proximité de sa mère pour pouvoir reprendre pied avant de reprendre ses cours à la rentrée. Elle en profite pour se rapprocher de sa mère et de ses amies qui ont créé un club de lecture, elle partagera sa passion pour la poésie avec des jeunes filles en ouvrant un atelier qui se révèlera en fait une bonne thérapie. Cette convalescence forcée lui permet d’analyser sa vie de femme, d’épouse, de mère, d’adolescente, tout en se consacrant à d’autres femmes qui toutes elles aussi font face aux aléas de la vie. Autant l’ironie de la narratrice face à la situation de femme trompée prête à sourire, autant lorsqu’elle essaye de l’analyser en interminable déballage de référence philosophique, poétique, littéraire ou psychologique on finit par décrocher. C’est vraiment dommage car en dehors de ces passages un peu chaotiques, l’écriture est authentique et la sensibilité féminine est réellement présente.

Oops - Bordeaux - 58 ans - 12 octobre 2011


Triste déception 4 étoiles

J'aime beaucoup la plume de Siri Hustvedt que j'avais connue avec "Tout ce que j'aimais" et "Yonder".

Mais avec ce roman-ci, il me manque un petit quelque chose pour que la sauce prenne. Trop de longueurs (à part sur les premières pages qui amènent l'histoire), le style y est ensuite fort décousu, les rythmes d'écritures tout autant que le ton changent et s'alternent, et le mélange "sauce poétique"-"sauce psy" ne prend pas vraiment... même si les personnages féminins qui jalonnent cet ouvrage sont attachants.

Pour tout dire, sur les dernières pages, je les ai lues en diagonale tant l'écriture m'a pesée, le plaisir ne venait pas vraiment.

La déception est à la hauteur de mes attentes et de mon intérêt pour les livres de Mme Paul Auster...
En attendant le prochain (que je serai sans doute moins pressée de lire, peut-être).

Didoumelie - - 52 ans - 18 août 2011


Déçue de chez déçue 1 étoiles

Le voyant dans le top des nouveautés et amatrice de bons livres, je me suis jetée à l'eau mais quelle déception ....
Je me suis réellement forcée à le finir pour rentabiliser les 18 euros que j'ai mis dans cet ouvrage.
Une histoire de fond qui aurait pu être sympa, si l'auteur ne passait pas du coq à l'âne à tout bout de champ.
Lorsqu'elle réalise son introspection c'est d'un ennui insoutenable.
L'une de mes pires lectures sincèrement.

Passionnée08 - - 35 ans - 10 août 2011


Un roman? Une tranche de vie. 10 étoiles

Un été sans les hommes de Siri Hustvedt

Dans un livre éminemment féminin, donc intelligent et sensible, Siri Hustvedt met en scène plusieurs femmes à divers âges de leur vie : sept pré-adolescentes d’une douzaine d’années, élèves en cours d’art poétique, une jeune femme pourvue d’un mari et de deux jeunes enfants, à une période critique de sa vie, les amies de sa mère, en résidence pour 3ème âge ayant chacune une personnalité étonnante, et enfin Mia, la narratrice, comptant 30 de mariage heureux et complice avec Boris qui, lui, s’offre une pause de durée indéterminée.
J’allais oublier « Personne » qui lui envoie régulièrement des textos sur son portable et dont on ignorera l’identité et le sexe jusqu’à la fin.

Autant de personnages, autant de situations dramatiques, autant de chemins qui vont vers une issue qui ne doit rien à un « deus ex machina » mais vers leurs propres psychologies.
Tout cela s’entrecroise dans un désordre apparent, qui n’est que celui de la vie.
Texte érudit, parfois bourré de références, il n’en est pas moins passionnant avec des réflexions originales, sans complaisances ni lieux communs.
On veut connaître la fin de ces diverses intrigues et parfois on s’arrête en cours de lecture pour déguster des considérations pleines de finesse et d’humour.

Lurette - - 85 ans - 4 juin 2011