Si loin de nulle part
de Jacques Sternberg

critiqué par Kinbote, le 10 mai 2002
(Jumet - 65 ans)


La note:  étoiles
Attention, humour fou!
Jacques Stenberg est né à Anvers un beau jour de 1923 et se maintient en vie depuis. Il est le maître incontesté d’un genre qu’il a créé : le conte bref et souvent cruel. Il a aussi signé dans les années 60 le scénario et les dialogues d'un film de Resnais : « Je t'aime, je t’aime ». Ce recueil-ci rassemble pour un tiers des textes déjà parus dans des livres de 1953 ("La géométrie dans l’impossible") ou 1974 ("Contes glacés") et pour deux tiers de textes inédits (1998).
Les textes ne font guère plus d'une page, parfois ils tiennent en une phrase de trois lignes comme celui-ci, intitulé "La fin" : « Comme il passait devant un camion de transfusion sanguine et qu’il en avait marre de tout, il se fit un plaisir de donner tout son sang » ou cet autre appelé "L'accident" : « C'est à ce croisement particulièrement dangereux que ce corbillard entra en collision avec un camion de gros tonnage. Le bilan fut assez lourd : quatre morts, dont un à titre posthume. »
Comme Sternberg fut l'un des premiers auteurs inscrits au catalogue de la collection « Présence du futur », plusieurs de ces histoires se déroulent dans l’espace, sur des planètes inconnues que découvrent des terriens étonnés ou bien ce sont des extra-terrestres qui font connaissance avec les moeurs des terriens sous l'angle de la bizarrerie. Ses projections dans le futur se révèlent parfois prémonitoires sur l'avenir du genre humain, et pleines de bon sens.
Comme Sternberg est férocement agnostique, il reprend souvent la création du monde dès le début en mettant en scène un Dieu cynique qui aurait créé l'homme fortuitement. Comme Sternberg est un admirateur du cinéma muet, ses textes sont marqués par le burlesque, le sens du gag et les chutes fracassantes Comme Sternberg est un inconditionnel du charme féminin, il compose des portraits attachants de femmes comme celui qui ferme le recueil , véritable nouvelle de 25 pages qui nous parle avec fascination d’une tueuse.
Jacques Sternberg a déclaré un jour : « Je crois que la véritable littérature de terreur, ce n'est pas les histoires de fantômes ; un fantôme, même dégoulinant de sang ou pourri de vers, c'est finalement très rassurant.(.) Ce qui est effrayant, le cauchemar, c’est la vie de tous les jours : l'ouvrier , le bureau ; l'employé.. »
A l’occasion de cette note, je vous recommande l’ouvrage d’un de ses fils spirituels qui su retirer le meilleur du maître tout en apposant sa marque : "Elagage Max." de Eric Dejaeger, d'ailleurs préfacé par Jacques Sternberg (aux éditions Mémor, voir critique sur ce site).