Les Humeurs de Marie-Claire
de al-Ḥabīb al- Sālmī

critiqué par Camarata, le 9 mai 2011
( - 73 ans)


La note:  étoiles
-Elle est dans mon cœur. Elle y sera toujours
Apres avoir fini ses études à Paris, Mahfouz jeune tunisien d’origine modeste, choisit de rester en France en travaillant la nuit dans un hôtel. Il fait la connaissance de Marie –Claire une pure parisienne de Ménilmontant. Après une période d’observation ils décident de vivre ensemble. C’est un changement considérable pour Mahfouz , deux expériences commencent, qui coïncident ou se superposent, celle de l’altérité et celle de l’intégration dans un milieu et un système de pensée très différent du sien.
De plus leurs caractères sont opposés, Mafhouz est un être rêveur, introverti, presque passif alors que Marie–Claire est volontaire, dynamique, ouverte aux autres et aux plaisirs de la vie.
Nafhouz, le narrateur décrit de manière extrêmement précise et honnête ses sentiments lors du déroulement de leur vie de couple, si bien qu’on a l’impression d’entrer directement dans son cerveau, ses souvenirs, ses peurs, ses hontes.
Il est sans cesse dans la double crainte de révéler ses défauts et de ne pas adopter l’attitude conforme au pays de sa bien aimée, si bien qu’il se surveille et se réprime constamment, c’est peut-être ce qui donne cette impression d’enfermement, d’incommunicabilité.

« Cela me contrarie, mais je ne dis rien, je ne bouge pas, je n’ose pas prononcer une parole, ni faire un geste qui pourrait l’irriter, ou ternir sa joie, elle qui se réjouit tant que ce soit mon anniversaire. C’est un véritable piège qu’elle me tend, je n’y ai pas pensé du tout quand elle m’a téléphoné. Sinon, j’aurais refusé, et puis pourquoi voulait elle absolument que l’on se voie dans un café ? N’était il pas possible de fêter mon anniversaire à la maison ? D’ailleurs je ne comprends pas pourquoi je le fêterais puisque je ne me rappelle pas la date de ma naissance ….puisque je ne sais pas si réellement je suis né ce jour précis. J’ai bien tenté de me persuader que c’est le cas, mais je n’ai pas pu. Et même si j’étais bien né à la date indiquée sur le registre des naissance, je ne fêterais pas mon anniversaire, j’ai horreur des fêtes, je les trouve très tristes justement….la vie s’interrompt, on ne peut rien faire, le temps parait long, on s’ennuie ; et, en plus, il faut avoir l’air de s’amuser. »

La pression qu’il se met pour être conforme à ce qu’il pense que veut Marie–Claire l’emprisonne dans une bulle.
Pourtant ils sont très amoureux l’un de l’autre, le jeune homme n’ayant eu que des expériences très frustres avec des prostitués, est redevable et reconnaissant à Marie-Claire, jeune femme moderne et libérée de l’instruire dans ce domaine.
La passion de Mafhouz est empreinte d’une sensualité qui a plus à voir avec une mystique de la chair, comme expression synthétique de la vie, qu’avec un hédonisme futile.

Marie -Claire le forme dans bien d’autres domaines, mais lorsqu’elle se met en tête, pour son bien, de le forcer à se remémorer le visage de sa mère morte, dont il n’a pas de photos, la première fêlure intervient dans leur couple.

« Elle ne dit toujours rien. Mais au moment où je m’apprête à me tourner de l’autre côté, je l’entends : je ne peux pas comprendre que tu acceptes d’avoir oublié son visage »je réfléchis, je cherche une réponse qui soit définitive. Mais elle poursuit. « Je ne peux pas, rien que d’y penser cela me fait mal.
-Elle est dans mon cœur. Elle y sera toujours …C’est cela l’essentiel.
-Est-ce que tu lui ressembles ?
-Oui beaucoup …c’est ce que disait tout le monde ».

Deux mondes plutôt que deux cultures, s’affrontent symboliquement, l’un où le nécessaire n’est pas acquis, l’autre où le superflu est la norme.
Le style fluide, naturel, évocateur, nous amène à la fin du récit sans pouvoir déterminer quelle différence culturelle ou personnelle est prépondérante dans cette histoire.

Peut-être peut-on conclure, qu’il est toujours vain de vouloir être ce que l’autre veut que l’on soit, ou ce que l’on croit qu’il veut.