Les heures silencieuses
de Gaëlle Josse

critiqué par Sissi, le 1 mai 2011
(Besançon - 54 ans)


La note:  étoiles
Renoncement.
Magdalena Van Beyeren, que l’on entrevoit sur la couverture, de dos à son épinette, dans un tableau peint par De Witte, décide par un beau jour de novembre 1667 de commencer un journal intime.
Parce qu’elle se sent seule.
Parce qu’elle ressent le besoin de s’épancher.
Parce que la musique, sa grande passion n’est pas (ou plus) un exutoire suffisant à sa mélancolie.
« Dans la joie comme dans la peine, la musique demeure notre compagne. Elle embellit ce qui peut l’être et console, lorsque cela est possible. Mais des grandes peines, elle ne distrait point. La vraie tristesse s’accompagne de silence, mais c’est autre chose. »
Parce qu’elle est secrète, solitaire et méfiante.
« Je n’ai pas de goût pour les confidences que s’échangent les femmes entre elles. Trop souvent, on voit le secret de l’une, sitôt franchi ses lèvres, porté à la connaissance des autres. Il devient leur jouet et elles en disposent à leur guise. Ce ne sont que des broderies et arabesques, chacune y ajoute ses motifs et ses couleurs, et la réalité de l’affaire disparaît sous les ornements. »

Le début est prometteur.
Entre récit et réflexions personnelles, cette douce et touchante narratrice pose par petites touches délicates des pensées, des secrets, des états d’âme sincères et émouvants.
Elle crée un univers intimiste, où les renoncements successifs auxquels elle a dû se plier lui font courber l’échine chaque jour un peu plus.
Et ce poids, celui de la frustration, a fini par la résigner à être une autre, à faire de sa vie autre chose que ce à quoi elle aspirait.
Elle regrette le temps où elle a cru reprendre le flambeau de l’entreprise familiale :
« J’étais loin de la maison, de la tristesse dévote de ma mère, des mouchoirs à ourler, des serviettes à compter, des draps à recoudre, du linge à raccommoder, de tous ces airs entendus que prennent les femmes entre elles, et qui, souvent, leur tiennent lieu de langage. J’étais comblée. Je vivais. Ô combien ! »
Mais au XVIIème siècle, difficile de s’intégrer dans un monde masculin et de faire carrière lorsqu’on est affublée d’une paire de seins, même si l’on a réussi pour quelques temps à pallier au manque du mâle absent mais tellement désiré :
« Les hommes s’inquiètent beaucoup de leur descendance, semble-t-il. Ainsi en a-t-il été de notre père, resté sans fils. Son caractère s’en est trouvé assombri. »

Puis Gaëlle Josse finit par en découdre avec son texte.
Un paradoxe ! Alors que son héroïne exècre tout travail d’aiguille, symbole rébarbatif par excellence de l’activité féminine de son époque, elle fait de la seconde partie de son livre des pages cousues de fil lent, qui défilent avec monotonie, à coups d’anecdotes journalières futiles qui rompent totalement avec la profondeur des réflexions antérieures et qui ôtent au livre toute unité possible.
On brode, on étoffe, pour parachever l’ouvrage.
Parce qu’il le faut bien.
Au bout d’un mois, le journal intime s’arrête, notre lecture aussi.
Alors on se dit qu’on s’est peut-être fait un peu embobiner...
Une petite musique du coeur ! 10 étoiles

Gaëlle Josse (1960- ) est une femme de lettres française.
Elle dit être venue à la littérature par la poésie
"Les Heures silencieuses" paraissent en 2011.

Court roman né d'une rencontre avec un tableau hollandais d'Emanuel de Witte ("Intérieur avec une femme au virginal"-1665)
Un tableau énigmatique représentant une femme de dos, jouant du clavecin. Sur la gauche, un lit défait et une chaise sur laquelle une épée est accrochée.
En profondeur, une servante fait le ménage.
L'auteur va construire une magnifique histoire donnant vie et pensées à cette femme.
"Je m'appelle Magdalena Van Beyeren. C'est moi, de dos, sur le tableau. Je suis l'épouse de Pieter Van Beyeren, l'administrateur de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales à Delft.
Un intérieur chaleureux qui contraste avec le drame intime que traverse cette femme.
Pour s'en libérer, elle va tenir un journal où elle confiera l'histoire de sa vie parsemée de joies, de tristesses, de regrets, d'espoirs, de souvenirs et de désirs interdits.
"Une petite musique du coeur" pour des aveux dérangeants.

On entre très vite dans ce court roman et on aimerait que la confession continue.
Une écriture tout en douceur, poétique, où chaque mot est choisi. Une extrême pudeur pour une histoire de femme magnifique.
Gaëlle Josse nous fait entrer dans ce tableau qu'on voit d'un oeil nouveau le livre refermé.
Préférez l'édition "Autrement" que celle de "J'ai lu" car on y voit le tableau dans son entièreté.
Un éphémère et sublime moment de lecture !

Frunny - PARIS - 59 ans - 6 novembre 2017


Douceur triste 9 étoiles

Voilà, c'est ça, tout doucement, c'est ainsi que j'ai, dans mon souvenir, car ce livre je l'ai lu il y a quelques années lors de sa sortie, tourné les pages de cette belle et délicate broderie littéraire.
Délicatesse et profondeur mêlées pour cette vie de femme d'un autre temps. D'un temps où la vie éteinte en apparence, silencieuse en dehors ne signifiait en rien le vide en dedans.
Mais voilà, en ce temps-là (qui rappelle un temps si affreusement présent ailleurs, sous d'autres latitudes, une pensée pour toutes celles-là) ni la parole, ni les actes n'étaient possibles pour les femmes.
Peut-être faut-il, un peu, tristement, avoir vécu cette réalité d'une auto-détermination interdite pour mesurer toute la profondeur de ce très beau premier roman.

Garance62 - - 62 ans - 16 juin 2016


UNE TRÈS BELLE HISTOIRE... TROP COURTE! 5 étoiles

Je ne reviens pas ici sur l’histoire, déjà amplement décrite, de ce petit livre (une centaine de pages…). L’écriture est vraiment très belle, très « raffinée » et on sent une grande maîtrise de la part de l’auteur, même si il s’agit ici de son premier livre. Le livre se lit d’ailleurs vite et bien (quelques heures suffisent) et les pages se tournent sans que l’on ne s’en aperçoive vraiment. J’ai beaucoup aimé la description de la vie et des mœurs de l’époque et aussi quand Magdalena Van Beyeren, parle de son pays (les Pays-Bas alors à l’apogée de leur époque de gloire maritime), et du travail de son mari. Les pages où elle parle de peinture et de musique sont d’ailleurs une pure merveille !

Malheureusement, le livre manque de souffle, d’amplitude. Si souvent je dis que l’auteur aurait pu supprimer quelques 100 pages, je dois dire qu’ici j’aurais bien aimé une centaine de pages en plus. Sinon, je ne comprends pas vraiment la finalité de ce livre. Pourquoi juste nous raconter un mois de la vie de l’héroïne? Juste pour les quelques confessions qu’elle nous fait? L’histoire aurait mérité d’être bien plus développée, les personnages aussi d’ailleurs, notamment les enfants de Magdalena.

Je termine donc ma lecture, comme d’autres lecteurs avant moi, sur une impression mitigée. J'ai l'impression de m'être, un peu, fait avoir, et suis un peu resté sur ma faim concernant ce livre. L’histoire étant vraiment trop bâclée, trop courte, mais heureusement vraiment très belle!
Ayant beaucoup aimé l’écriture et le style tout en sensibilité de l’auteur, je me suis toutefois promis de retenter « l’aventure » avec elle… Lors d’une prochaine lecture d’un autre de ses livres…

Septularisen - - - ans - 18 février 2016


Coeur de femme n'a pas d'époque... 9 étoiles

Ce texte, bref, trop très certainement, a effectivement plus le format d'une nouvelle tant il condense en peu de pages l'essentiel de la vie de Magalena, de l'enfant se rêvant sur les mers à la jeune fille amoureuse de Pieter, officier travaillant pour son père jusqu'à sa vie d'épouse et de mère, temps le plus éprouvant pour elle, "trente-six ans...âge qui devrait suffire à (lui) me faire entendre raison, mais le coeur conserve des élans qu'il est douloureux de taire." lorsque son mari délaissant "la couche" pour préserver sa vie des risques d'une autre naissance d'enfant, le maître de musique, Nicolaes la "trouble" et la porte à écrire ces mots douloureux: "Je me sens alors très vieille, et très sotte"...

"Autre temps, autres moeurs"?
Je ne le crois pas et, d'ailleurs, contrairement à Sissi et Isad, ce court récit fut, pour moi, un "résumé" très pertinent et, souvent, très juste de la vie de nombre de femmes et, ce, quelle que soit l'époque.

J'en ai aimé toute la douceur qui se dégage de l'écriture de l'auteure, un petit "bonbon" littéraire tendre à savourer après d'autres récits bien difficiles!

Provisette1 - - 12 ans - 2 août 2013


Bribes de la vie ordinaire d’une femme d’armateur au XVIIe siècle 4 étoiles

Ce curieux petit récit de 130 pages en gros caractères est une sorte de bref documentaire sur la vie d’une femme flamande pendant les mois de novembre et décembre 1667. C’est intéressant, mais cela n’en fait pas un roman.

Magdalena, fille puis femme d’un armateur hollandais tient son journal. Elle a fait peindre son portrait, comme d’autres commerçants mais de dos, car son mari a décidé de ne plus fréquenter son lit depuis que son dernier accouchement a failli lui faire perdre la vie. Elle comprend son désir de ne pas la perdre car elle est de bon conseil mais est désolée de ne partager leurs étreintes et craint qu’il ne fréquente des prostituées. Le livre est écrit sous la forme d’un journal où elle nous raconte son enfance avec ses sœurs. Elle relate que comme elle avait le goût pour le commerce, elle a aidé son père, étant la fille aînée. Elle a rencontré les yeux d’un capitaine en second qui sera son futur mari qui reprendra l’affaire familiale. Elle parle de ses enfants et de des domestiques ainsi que des risques de l’entreprise avec les naufrages et les corsaires.

IF-0112-3836

Isad - - - ans - 11 février 2012