Intelligence avec l'ennemi : Le procès Robert Brasillach
de Alice Yaeger Kaplan

critiqué par Romur, le 23 avril 2011
(Viroflay - 51 ans)


La note:  étoiles
Quelle peine alors réservez-vous aux marchands de canon ?
Le sous-titre de cet essai est explicite : ce n’est pas une biographie de Brasillach, même si son parcours est évoqué en quelques chapitres. Ecrivain sensible voire un peu mièvre, antisémitisme viscéral, polémiste odieux et journaliste acerbe. Nationaliste, il fait le choix politique de soutenir le régime fasciste qui lui paraît le plus à même de redresser et développer la France. Intellectuel et cultivé, il est fasciné par l’Allemagne. Collaboration et affinité intellectuelle avec l’ennemi deviennent un crime en période d’épuration. Ceux qui ont eu à souffrir de sa plume vont le rechercher par tous les moyens, quitte à arrêter sa mère pour le faire sortir du bois.

L’ouvrage est bien centré sur le procès dont il analyse et démonte la mécanique qui a conduit devant le peloton d’exécution ce jeune, brillant et odieux écrivain. Avant d’aborder le procès, Alice Kaplan résume les éléments biographiques de tous les acteurs, en particulier le procureur Reboul et son ami l’avocat Isorni (issus tous deux de la justice de collaboration et cherchant à se refaire une virginité politique sous le nouveau régime) et les jurés (modestes, issus de la banlieue parisienne bien loin de l’intelligentsia brillante de la rue d’Ulm, et anciens résistants fraîchement arrivés au pouvoir).
La défense de son avocat, plutôt vaniteux et qui voit manifestement dans ce procès emblématique au côté d’un écrivain célèbre une occasion pour faire de beaux effets de manches, ne porte pas. Il faut dire que l’accusation d’intelligence avec l’ennemi ne laisse que peu de marge de manœuvre, la peine de mort étant la sanction quasi automatique. La mobilisation de la communauté intellectuelle, surtout la frange la plus âgée, ne porte pas et de Gaulle n’accorde pas la grâce à laquelle bien d’autres auront droits.

L’écriture simple et les explications pédagogiques (le livre a été initialement écrit pour un public anglais) rendent la lecture facile et agréable. Alice Kaplan s’efforce de justifier et analyser chaque argument et point de vue avec des références détaillées. Elle a peut être un peu à juger avec le regard moderne et perdre de vue l’ambiance et les mentalités de l’époque, mais il n’est pas possible d’être totalement objectif. Cette américaine fournit à la France un très bon ouvrage d’histoire et d’analyse instructif sur cette période sombre de notre passé : l’épuration.