Fermé la nuit
de Paul Morand

critiqué par Débézed, le 12 avril 2011
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Portraits de nuits
Quatre nuits, quatre nouvelles écrites en 1921/22, quatre aventures amoureuses aux quatre coins du monde, quatre échecs, quatre moments dans quatre destinées :

- A New York, un sculpteur se présente chez un grand poète irlandais dont il veut faire le portrait, et se noue d’amitié avec lui avant de courtiser sa femme.

- A Chalottenburg, un noble désargenté qui n’arrive même pas à vendre son titre pour récupérer un peu d’argent, accueille un hôte qui couchera avec la baronne, sa femme, comme il l’avait annoncé.

- A Paris, un ministre éphémère courtise une jeune fille qu’il a rencontrée au hasard d’une nuit de fête.

- A Londres, un charlatan génial devient le guérisseur attitré de la haute société et le chouchou des plus belles femmes de la cité.

Une galerie de portraits étonnants, vivants, saisissants, hors normes, dans « les tableaux les plus vifs et plus intelligents de l’après-guerre », selon Roger Nimier. Une peinture de la société européenne qui n’a pas encore vraiment digéré l’énorme guerre qu’elle vient de subir et qui n’est pas vraiment reconstruite. Une transition entre le romantisme, un peu désuet, issu du XIX° siècle et une nouvelle littérature que l’auteur dévoile déjà avec ton nouveau, une écriture vive et alerte, des images éloquentes, des raccourcis fulgurants même si le vocabulaire reste parfois un peu daté.

Et, les formules assassines qui cisèlent les portraits en quelques mots, dessinant des personnages mieux que n’importe quel peintre ou sculpteur - « Quand elle me fait les honneurs de son corps, je pense à un plancher d’échafaud, muet sur toutes les exécutions qui ont précédé la mienne. » Ou encore, « Ursule se donna de suite, puis se reprit si vite que je doutai de l’avoir eue. » - donnent un grand coup de jeunesse à ces textes allègres et pétillants.