Redemption
de Stanley Tookie Williams

critiqué par Oburoni, le 9 avril 2011
(Waltham Cross - 41 ans)


La note:  étoiles
Des gangs de Los Angeles à des nominations pour un prix Nobel
Stanley Tookie Williams fut, en 1971, le co-fondateur des Crips, devenu aujourd'hui l'un des gangs les plus puissants et les plus violents non seulement à travers les Etats-Unis mais aussi mondialement. Arrêté en 1979 pour quatre meurtres (dont il a toujours clamé être innocent), condamné à mort, il purgera une peine de 26 ans de prison avant d'être exécuté.

Son cas fit couler beaucoup d'encre; non seulement pour ce qu'il était (jeune noir délinquant, meneur d'un gang dangereux) mais aussi pour ce qu'il était devenu. En prison en effet il entama un long processus de rédemption qui le changera radicalement au point d'en faire, du fond de sa cellule dans les couloirs de la mort de San Quentin, l'un des militants anti-gangs les plus actifs (publication de livres pour enfants, diffusion de vidéos etc...).

"Redemption" est son autobiographie, des mémoires divisées en deux parties qui résument bien les deux chapitres de sa vie : "Blue Rage" ( "Rage bleue", du nom de la couleur-symbole de son gang) et "Redemption", où il explique son bouleversant changement.

En effet s'il revient, bien sûr, sur l'histoire des Crips, avec son lot de drogues, de prostitution et le cycle de meurtres qui l'accompagne (son autre fondateur, Raymond Lee Washington, fut lui-même assassiné par un gang rival peu de temps après l'incarcération de Tookie) il étale surtout ses regrets et a le courage de condamner la violence pour montrer à quel point, l'exemple de sa vie à l'appui, elle est un gâchis inutile.

L'intérêt du livre, ce qui en fait un témoignage de qualité et non pas l'une de ces vulgaires autobiographies nombrilistes d'ancien gangster, est qu'il a l'intelligence de replacer sa vie dans tout un contexte, la couler dans l'histoire civique et politique des Noirs américains, pour tenter d'expliquer pourquoi il est devenu ce qu'il fut. Si cela ne l'excuse pas, la démarche reste toutefois instructive et fascinante pour le comprendre. En effet, choquante, révoltante, la vie de Stanley Tookie Williams, né à la Nouvelle-Orléans dans les années cinquante et ayant grandi dans un ghetto de Los Angeles, est tristement typique de celles de beaucoup de jeunes Noirs de sa génération : victime de tout un système nourri par un racisme oppressant. Si à l'époque (les années 60-70) d'autres poursuivent une longue lutte pour les droits civiques lui n'est encore qu'un adolescent ignorant, sans intérêt pour la politique, paumé au plus bas de l'échelle sociale d'une société qui le méprise et qui se réfugiera dans les drogues et la délinquance.

"Redemption" est certes destiné, avant tout, aux jeunes membres de gangs pour leur montrer l'absurdité de la violence et l'importance de l'éducation. Le livre n'en reste pas moins instructif pour quiconque s'intéresse a l'histoire des Noirs américains ou, au-delà, aux fléaux que sont la pauvreté, la violence et/ou le racisme, des fléaux trop souvent imbriqués les uns dans les autres.

Nominé quatre fois pour le prix Nobel de la paix et trois fois pour celui de la littérature pour sa campagne et ses écrits, il fut exécuté le 13 décembre 2005 par injection létale, ce malgré un long combat judiciaire et un large soutien émanant de diverses personnalités (Snoop Dogg, Jesse Jackson, Winnie Mandela, Desdmond Tutu etc...).

Si la peine de mort ne laisse aucune place au pardon, ses livres, eux, continueront à en inspirer beaucoup.