Les fils de la médina
de Naguib Mahfouz

critiqué par Poignant, le 3 avril 2011
(Poitiers - 58 ans)


La note:  étoiles
Légendes du Caire
L'histoire légendaire d'un quartier du Caire sert de support à ce roman puissant, profond, agréable et exotique, tout en paraboles.
Dans un contexte de ruelles tumultueuses où se côtoient des marchands ambulants, des boutiquiers, des mendiants, des fumeurs de haschisch, des conteurs et bien sûr d'innombrables gamins, Naguib Mahfouz décrit les aventures de héros mythiques (Gabalawi, Adham, Gabal, Rifaa, Hasim...)
Mais on se rend vite compte qu'ils nous sont connus sous d'autres patronymes, puisqu'il s'agit de Dieu, Adam, Moïse, Jésus et Mahomet !
Ce quartier-univers, malgré l’action successive de ses valeureux prophètes, stagne sous la domination d’avides intendants, et de brutaux « Futuwwas » qui rackettent le peuple et font régner la terreur.
Ce roman, publié en 1959, est immense pour trois raisons :
- une approche des religions pleine de poésie, d’intelligence, de tolérance et d’audace dans une société dominée par la hiérarchie musulmane orthodoxe. C’est pourquoi « Les fils de la Medina » était jusqu’il y a peu censuré en Egypte par les « Oulémas », et que des fanatiques religieux ont tenté d’assassiner Naguib Mahfouz en 1994
- une critique acerbe de l’athéisme et du matérialisme (dans le dernier chapitre, l’alchimiste Arafa tue Gabalawi) qui ne résolvent rien des problèmes quotidiens du peuple ni de la quête du bonheur des hommes
- une vision du pouvoir désabusée et pessimiste dans un pays rongé par la corruption et l’injustice. Mais tout cela se termine avec une lueur d’espoir et une phrase prémonitoire : «Le soleil finira bien par se lever, et nous verrons la chute du tyran ; l’aube viendra, pleine de lumière et de merveilles…»
Grand écrivain prix Nobel en 1988, Mahfouz reste en cette période de révolutions arabes d’une troublante et évidente actualité.
A lire absolument