Le livre des brèves amours éternelles
de Andreï Makine

critiqué par Tanneguy, le 1 avril 2011
(Paris - 85 ans)


La note:  étoiles
Beaucoup de délicatesse
L'auteur nous propose huit courtes histoires qui toutes se rapportent à son enfance, son adolescence ou sa jeunesse en Union Soviétique. On sait qu'il y a vécu jusqu'à l'âge de 30 ans, s'est installé en France, où il a publié de nombreux (déjà !) ouvrages écrits en français, dans une langue remarquable !

Les personnages passent d'une histoire à l'autre, on les retrouve avec plaisir ; ils permettent à l'auteur d'exprimer ses réflexions personnelles sur la difficulté de vivre, la joie et le bonheur, l'amour, le sens de la vie. Il ne manque pas également, dans chacun des textes, de mentionner une "bizarrerie" (pléonasme !) du système soviétique qu'il a dû subir en particulier dans l'orphelinat où il vécut enfant. Pas de méchanceté, ni d'esprit de vengeance, mais beaucoup de lucidité.

Quelques descriptions remarquables, comme celle de ce verger gigantesque conçu par le régime pour montrer sa supériorité au monde entier. quelques anecdotes étonnantes comme celle de "la femme qui a vu Lénine", véridique sans doute.

Bref, un régal de moins de 200 pages que vous n'aurez pas envie de quitter avant la dernière ligne. J'ai cru comprendre que Makine avait aussi publié sous un autre nom ; il faudra surveiller cela.
Un recueil à la fois tendre et amer 8 étoiles

Sous ce beau titre en forme d’oxymore , un recueil de nouvelles où apparaissent quelques figures récurrentes, en particulier celle de Dmitri Ress, « j’essaie de me souvenir de Ress et –comme nous le faisons tous parfois en parlant à ceux qui sont partis ou morts- d’engager une conversation à laquelle sa voix prendrait part » . « Ces paroles silencieuses adressées à Ress », personnage dont la présence ouvre et clôt l’ouvrage, forment une sorte de tombeau pour une amitié défunte .

Parallèlement, par petites touches, le narrateur revisite sa jeunesse « me revient un pointillé de jours, bien antérieurs à notre rencontre, remontant à mon enfance, à ma jeunesse ». Une jeunesse aux « doux échos », aux brèves amours inoubliables , une sorte de paradis perdu qui émerge parmi les souvenirs d’un un régime totalitaire qui a le pouvoir de formater les esprits « l’asile psychiatrique du communisme », dont le pouvoir de coercition est symbolisé par « la camisole de force métallique » des gradins où se perd le narrateur .

Un régime pourtant sur le déclin « la baraque vermoulue du communisme », où se manifestent déjà contestation et espoirs fous dont Makine constate l’échec actuel . « cette tardive génération de dissidents fut rattrapée par l’histoire , les songes les plus exaltés parurent vite timorés face à la violence sauvage avec laquelle la Russie se réforma. La société bourgeoise pépère et douillette dont ils espéraient l’avènement se trouva noyée sous le torrent boueux d’un capitalisme de prédateurs et de mafieux"

Un recueil à la fois tendre et amer , où l’on retrouve avec bonheur la petite musique de Makine .

Alma - - - ans - 22 avril 2013


Des paradis pérennes 9 étoiles

C'est pour moi toujours le même bonheur de lire Andrei Makine, il déploie toujours la même intelligence, la même finesse dans les sentiments, la même élégance dans son style !
Ces brèves amours, ce sont des portraits de femmes, entrevues ou fréquentées quelques minutes ou quelques semaines, admirées ou aimées. Ces amours éternelles c'est le souvenir inoubliable qu'elles ont laissé chez l'enfant, l'adolescent ou l'adulte qu'est devenu Andrei Makine. C'est la lumière et le bonheur qui arrivent à fleurir dans un pays martyrisé et désenchanté, du totalitarisme à la Pérestroïka.
Contrairement à Saint Jean-Baptiste, je ne crois pas que Makine s’est soumis à la loi du genre de raconter des belles histoires (et il ne s'agit pas de de ses premières amours, parfois ce sont celles des autres !). Il a recueilli dans ses souvenir, sans rien taire de la grisaille ambiante, ces quelques pépites qui sont porteuses de sens.
Chaque chapitre est un récit à savourer, des récits essentiellement indépendants sauf pour le premier qu'il est conseillé de relire après le dernier chapitre pour bien le comprendre à travers ce rétroéclairage.
En filigrane derrière ces moments d'émotions, on découvre la vie et le mûrissement de l'auteur, orphelin élevé à la dure dans une pension de la Sibérie soviétique et qui a pu aller à l'université (un des rares bienfaits du régime qu'il souligne) avant de devenir écrivain francophone dans notre pays. Et quel écrivain !

Romur - Viroflay - 51 ans - 10 février 2013


Amours sous les Soviets 6 étoiles

On sait que la mémoire est une faculté qui n’oublie jamais les bons souvenirs, surtout quand il s’agit de ses premières amours et qu’on a l’intention de les raconter à ses lecteurs. Andreï Makine n’échappe pas à la règle. Alors, dans son récit, tout était magnifique, la fille était charmante, pas bêcheuse pour deux sous, il faisait beau, on courait pieds nus dans l’herbe fraîche, etc, etc…
On se doute que dans la réalité il pleuvait bien souvent, les orties avaient envahi le chemin et puis parfois, la petite avait fait faux bond… Mais on se doit de raconter des belles histoires et l’auteur s’est soumis à la loi du genre : ses amourettes d’adolescent sont racontées avec beaucoup de finesse, beaucoup de poésie et sont amusantes à lire.

Mais l’intérêt du livre est sans doute dans le cadre où ça se passe. Nous sommes dans les dernières années du communisme, dans l’ex-Union Soviétique et l’auteur nous raconte, avec beaucoup d’esprit, quelques réalisations du régime, auquel plus personne ne croit, et qui sont d’une absurdité incroyable. Il réussit très bien à restituer l’ambiance de ces années où se mélange un espoir fou de liberté, mais aussi, souvent, des craintes diffuses et beaucoup d’appréhension devant le monde inconnu qui se prépare.

C’est un livre très bien écrit, un peu fleur bleue sur les bords et parfois émouvant.
Personnellement, j’ai regretté que le récit soit présenté sous forme d’histoires séparées, qui n’ont que peu de rapport entre elles. Ça donne au livre un côté « les bonnes histoires » mais ça ne gâche en rien le plaisir d’une bonne lecture au coin du feu.

Saint Jean-Baptiste - Ottignies - 88 ans - 18 janvier 2012