Dominer le monde ou sauver la planète ? : L'Amérique en quête d'hégémonie mondiale
de Noam Chomsky

critiqué par Heyrike, le 28 mars 2011
(Eure - 57 ans)


La note:  étoiles
La démocratie au service du féodalisme
Dans cet essai écrit durant la période du règne de George W. Bush, Noam Chomsky décrypte la politique hégémonique des Etats-Unis. Affichant ouvertement leur intention de prendre le contrôle de la planète, les faucons de Washington ont édicté les nouvelles règles de l'ordre mondial visant à servir exclusivement les intérêts supranationaux. En premier lieu, imposer leurs diktats par l'utilisation de la guerre préventive contre toute nation susceptible de représenter un danger potentiel ou imaginaire. La charte des Nations Unies prévoit la possibilité d'engager une première frappe dans le cadre d'une menace clairement identifiée, mais en aucun cas il n'est fait mention de guerre préventive. Qu'à cela ne tienne, les Etats-Unis ont parfaitement redéfini le rôle des Nations Unis, soit-elles obtempèrent et sont récompensées pour leurs loyautés soit-elles s'y opposent et dans ce cas elles sont suspectées de vouloir nuirent à la démocratie Américaine.

Ce mouvement idéologique, amorcé quelques décennies auparavant, a connu son apogée durant l'ère Reagan, qui entreprit d'étendre la domination de son pays à travers le monde et notamment en recourant au terrorisme d'état en Amérique de Sud notamment. Durant les années 1980, les Etats-Unis ont soutenu des conflits qui firent plusieurs centaines de milliers de morts, soit en dirigeant directement des actions militaires, soit en aidant financièrement des dictateurs à accéder au pouvoir dans des pays où les forces progressistes tentaient d'établir des gouvernements indépendants et épris de justice sociale. Ce qui bien sûr n'était pas recevable pour les Etats-Unis, peu enclin à laisser un pays décider de sa propre politique qui aurait pu s'avérer contraire à ses intérêts géostratégiques et économiques.

Et puis le 11 septembre est arrivé, la pointe du canon venait de se retourner contre la première puissance mondiale. Une opportunité que l'administration Bush ne pouvait pas laisser passer. Largement affaibli sur sa politique intérieure, il réorienta son discours sur la défense nationale. Enclenchant toute une série de mesures de coercition visant à mieux surveiller les agissements des maudits électeurs Américains, logique implacable. La relance du programme militaire s'accompagna d'une réduction, voire du démantèlement complet des programmes sociaux, depuis trop longtemps les milieux d'affaires trépignaient d'impatience de voir enfin leurs rêves se réaliser. Le train de la privatisation prenait dès lors des allures de TGV, a titre d'exemple "Si les salariés dépendent de la Bourse pour leur retraite, leur santé et des moyens complémentaires de survie, ils auront des raisons de se retourner contre leurs propres intérêts, de s'opposer aux augmentations de salaires, aux réglementations sur la santé et la sécurité, et à tout ce qui pourrait réduire les profits qui affluent vers les bienfaiteurs sur lesquels il leur faut compter, selon une logique qui n'est pas sans rappeler le féodalisme".

Tout ceci n'est qu'une entrée en matière de cet essai qui balaye très largement tous les aspects de la politique des Etats-Unis (souvent suivi de près par ces fidèles valets) depuis plusieurs décennies, les principes qui motivent cette politique sont le cynisme, l'avidité, l'injustice et le droit divin à employer la force militaire pour servir les intérêts de l'économie Américaine partout où cela s'avère nécessaire. Il y est aussi question de la dissolution de l'idéal démocratique, qui représente l'essence même de la liberté de pensée et du libre arbitre, dans les discours de propagande d'état relayés par les entreprises publicitaires et médiatiques devenues les chiens de garde du pouvoir en place, tel des ménestrels de mauvais aloi.

Noam Chomsky maîtrise magistralement son sujet comme d'habitude, son œuvre est le fruit d'une réflexion qui dure depuis de nombreuses années sur les conditions qui ont permis aux maîtres du monde de s'emparer de tous les idéaux issus du siècle des lumières pour la conquête de la dignité humaine afin de les broyer dans la machine du grand capital. Sa connaissance de l'histoire sociale et politique, doublée d'une mémoire infaillible, lui permet d'établir des passerelles entre des événements passés et présents pour mieux mettre en exergue les préceptes fondamentaux qui dirige le monde. D'une rigueur intellectuelle sans faille, il ne se complait jamais dans la facilité rhétorique, ce qui lui a valu d'être très vivement critiqué pour ses prises de position par nos chers intellectuels plus proches des paillettes que des étoiles.

Récemment un article paru dans le New York Times a qualifié Noam Chomsky comme étant "sans doute le plus grand intellectuel vivant", un journal qui pourtant ne l'a jamais porté dans son cœur.