Anthologie poétique (1992-2005) : Edition bilingue
de Mahmoud Darwich, Elias Sanbar (Traduction), Fārūq Mardam bayk (Préface)

critiqué par Soldatdeplomb4, le 23 mars 2011
(Nancy - 35 ans)


La note:  étoiles
Texte poignant et vertigineux
Il est bien commode de faire des écrivains des hommes de paix, et c'est le cas de Mahmoud Darwich qui fut affublé à raison du surnom de "poète de la paix". Cependant, la paix qu'il appelle n'est pas totalement naïve et gratuite, loin de là. Il ressort de ses poèmes du ressentiment à l'égard de l'oppresseur, mais un ressentiment qu'il veut dépasser. Comme tous les grands hommes de paix, il est de ceux qui estiment que le procès est plus important que la peine. Il invite l'occupant israélien, et les acteurs de toute oppression, à d'abord regarder dans les yeux la souffrance que leur folie a produite:

"Qu'as-tu donc fait?

Ta fille est aujourd'hui veuve

Ta petite-fille, orpheline.

Qu'as-tu fait de ta famille fugitive ?

Comment as-tu pu, d'une seule balle, abattre trois colombes?"

Mais davantage encore que le tableau poignant des souffrances de la Palestine (qu'il évoque toujours par analogie et avec pudeur), Darwich ajoute des cordes à son arc, et se montre également un immense poète épique comme lorsqu'il compose en poésie la Reconquista espagnole ou le destin des Indiens d'Amérique (qu'il faut lire avec l'arrière-plan palestinien). Plus surprenant, il compose également des poèmes d'amour tout en douceur et subtilité.

Mahmoud Darwich, poète de l'exil , était un grand parmi les grands. Il ne verra jamais sa terre libérée, mais il aura fait porter la voix de la Palestine et de la littérature arabe au monde entier.


"Il y a des morts qui sommeillent dans les chambres que vous bâtirez. Des morts qui visitent leur passé dans les lieux que vous démolissez. Des morts qui passent sur les ponts que vous construirez. Et il y a des morts qui éclairent la nuit des papillons, qui arrivent à l'aube pour prendre le thé avec vous, calmes tels que vos fusils les abandonnèrent. Laissez donc, ô invités du lieu, quelques sièges libres pour les hôtes, qu'ils vous donnent lecture des conditions de la paix des défunts."


Le malheur pour nous, lecteurs francophones, c'est le filtre de la traduction qui est, je pense, extrêmement handicapant pour la compréhension de certains textes. La poésie est la forme qui supporte le plus difficilement la traduction, aussi excellente soit-elle.