Oeuvres complètes, tome 1 : Le Premier Cercle
de Alexandre Soljenitsyne

critiqué par Lazercat, le 19 mars 2011
(Haine-Saint-Pierre - 45 ans)


La note:  étoiles
Le travail dans une entreprise-goulag
Moscou, décembre 1949. Innokenty Volodine, jeune et brillant diplomate de son état, choisit de prendre le risque de prévenir par téléphone un de ses amis agents de l'Ouest qu'il est sous la surveillance du contre-espionnage.
Pendant ce temps, des condamnés politiques dotés d'une haute formation scientifique vivent et travaillent sans relâche à Mavrino dans une prison à finalité technologique, la "charachka". Ceux-ci se concentrent sur l'illusoire réalisation, sur commande de Staline, d'un appareil permettant la reconnaissance et le cryptage des voix au travers des lignes téléphoniques. Ces "zeks" y jouissent de conditions de déportation plus favorables que dans les goulags classiques; il leur arrive même de nourrir, à l'occasion, quelque relation sentimentale avec des membres féminines du personnel scientifique chargé de les surveiller.
C'est dans ce contexte que Gleb Nerjine, un ingénieur de 31 ans, se voit proposer de diriger certaine recherche destinée à améliorer les techniques de contre-espionnage, avec pour carotte une éventuelle remise de peine en cas de succès. Acceptera-t-il, quitte à accélérer la déportation systématique en masse de ses compatriotes ? Ou refusera-t-il, malgré la menace d'un transfert vers un goulag beaucoup plus dur ?

L'essentiel du roman est constitué d'une énorme galerie de portraits de prisonniers, de ministres, de fonctionnaires, des membres de leurs familles. On y apprend tout: leur passé, leurs activités actuelles, leur profil psychologique. Quelques pages sont mêmes consacrées à la vie bureaucratique nocture de Joseph Staline - un vrai passage jubilatoire!. L'intérêt de ce livre réside surtout dans la possibilité qui nous est laissée d'embrasser d'un regard l'ensemble de la vie en URSS au milieu du vingtième siècle. Certes, et je le concèderai avec grâce, vie sous le régime communiste et goulag ne sont plus des thèmes d'une actualité brûlante, mais il faut bien dire que la fresque est bien fluide, qu'elle se tient tant par la rigueur des descriptions que par la douce ironie qui la berce, et que l'on ne pourra pas ne pas s'attacher à au moins une demi-douzaine de personnages (notamment féminins).