Trains étroitement surveillés
de Bohumil Hrabal

critiqué par Dirlandaise, le 17 mars 2011
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
Roman remarquable
Considéré comme un des plus grands écrivains tchèques de la seconde moitié du vingtième siècle, Bohumil Hrabal met en scène dans ce court roman un jeune homme répondant au nom de Milos Hrma, stagiaire dans une petite gare de Bohème pendant la Seconde Guerre mondiale. Milos a pour fonction d’aider le chef de gare Lansky et son adjoint M. Hubicka. L’histoire débute alors que Milos revient d’un congé de trois mois suite à une tentative de suicide manquée. Il doit se réadapter à la vie de la gare et à son horaire de travail. Mais la vie de la petite gare est bouleversée par un scandale d’ordre sexuel impliquant une jeune et jolie télégraphiste et l’adjoint Hubicka. L’affaire fait grand bruit au point où une commission d’enquête est déléguée sur place afin de recueillir les témoignages des principaux témoins et prendre les mesures disciplinaires appropriées. La vie de Milos prend une tournure inattendue lorsque ce même M. Hubicka l’entraîne dans une histoire qui scellera son destin.

J’ai fait un bien piètre résumé mais je tenais à ne pas révéler trop de faits car tout l’intérêt du livre réside dans les événements qui viendront bouleverser la vie des personnages de cette petite communauté d’employés. J’ai eu du mal à m’adapter au style de l’auteur au début mais je dois avouer que le roman est remarquable. Une construction impeccable, des personnages troublants, une histoire d’une intensité dramatique, sorte d’huis-clos qui ne va pas sans rappeler une pièce de théâtre. Car tout se passe dans la gare, les trains s’arrêtent et repartent emportant avec eux une diversité de marchandises quand ce ne sont pas des bêtes et des humains. Certains passages sont absolument horribles en particulier les descriptions de convois de bétail soumis à des conditions de transport effroyables de cruauté. Mais, il y a plus que cela, quelque chose dans le style, une sorte d’indéfinissable façon de raconter qui rend le roman unique et presque surréaliste. Et cette atmosphère d’attente qui imprègne tout et dirige la vie de chacun.

La fin est d’une intensité telle que la lecture en devient difficile et fort stressante. Enfin, c’est ce que j’ai ressenti en lisant les toutes dernières pages, une oppression, une angoisse indéfinissable, un malaise proche du dégoût devant tant d’horreur et d’absurdité.

« La machine frémissait, à perte de vue scintillait l’étendue de la neige qui fondait, faisait toujours entendre le tic-tac de ses minuscules cristaux colorés. Trois chevaux morts que les Allemands avaient jetés d’un wagon pendant la nuit gisaient dans le fossé. Ils avaient seulement ouvert la portière et jeté les cadavres. Et maintenant, les chevaux gisaient dans le fossé, le long de la voie, les membres tendus vers le ciel comme des colonnes soutenant l’invisible portail du ciel : l’ingénieur Honzik me regardait et ses yeux étaient pleins de tristesse et de rancune, parce que ce train sous surveillance spéciale avait pris du retard dans son secteur. »