Les passions schismatiques
de Gabriel Matzneff

critiqué par Dirlandaise, le 15 mars 2011
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
Cinq grandes passions
Je retrouve avec bonheur Gabriel Matzneff dans cet essai consacré aux cinq grandes passions de sa vie : le Christ, la femme, la Russie, l’écriture et l’enfant. Le livre a été écrit en 1977 donc les sujets d’actualité de l’époque ne le sont plus mais qu’importe puisque lire un Matzneff est toujours pour moi un énorme plaisir. Au risque de me répéter, j’apprécie la sincérité, la classe et l’érudition impressionnante de cet homme de lettres qui possède un style de vie bien particulier, hors normes, et qui a toujours refusé les carcans de la société des bien-pensants et des bigots. Libre, voilà le mot qui le qualifie le mieux et cette liberté, il en a profité au-delà du possible et il a vécu sa vie à fond en ayant la chance de pouvoir faire fi des horaires contraignants et du métro-boulot-dodo.

Le livre comporte donc cinq chapitres consacrés à ces passions qui ont meublé la vie et le travail intellectuel de l’écrivain. Dans celui sur le Christ, il y est question du désintérêt envers les questions religieuses, de l’indifférence à Dieu et de son absence dans la vie de la société française de l’époque. Monsieur Matzneff déplore le fait qu’il ne puisse plus avoir de conversations théologiques sérieuses avec ses amis sauf un : Henry de Montherlant. C’est un chapitre intéressant et empreint d’une belle spiritualité.

Le chapitre sur la Russie est particulièrement captivant. Monsieur Matzneff raconte de quelle façon il a aidé et défendu les principaux dissidents soviétiques et déplore leur exploitation et manipulation de la part de l’impérialisme occidental. On retrouve des personnalités comme Soljenitsyne mais aussi Anna Akhmatova, Boukovski, Youri Titov, Merejkovski et Berdiaeff. Un paragraphe est consacré aux conditions de détention de Lénine en Sibérie pendant le règne d’Alexandre II. C’est de loin le chapitre le plus intéressant avec des thèmes comme le renouveau de la foi chrétienne en Russie et la solitude du monde moderne.

Le chapitre sur la femme pourrait facilement être qualifié de misogyne car l’auteur y dépeint les femmes comme des êtres durs et sans cœur. Il se base bien sûr sur ses expériences amoureuses pour nous sortir de pareilles énormités. Il s’avance même jusqu’à affirmer que l’avenir est à l’homosexualité. Étonnant point de vue de la part d’un homme qui a tant aimé la gent féminine. Celui sur l’écriture est très beau et il renferme un beau plaidoyer en faveur de la langue française et sa défense. Car l’écrivain est un amoureux fou de sa langue et il déplore le fait qu’en France, l’anglais prend de plus en plus de place.

Le dernier chapitre sur l’enfant me laisse songeuse. Je ne désire pas le commenter donc je laisse aux futurs lecteurs le soin d’en prendre connaissance et de former leur propre jugement.

Un livre fort agréable et aux nombreuses références littéraires dont entre autres Dostoïevski, Nietzsche et Tolstoï.

« Si Lou Salomé était demeurée aux côtés de Nietzsche, celui-ci ne serait pas devenu fou. Écrit du vivant de Nietzsche, le livre qu’elle lui a consacré est sensible, pudique, sans aucune des perfidies ordinaires que les femmes réservent aux hommes supérieurs qu’elles ont aimés : Lou Salomé n’a pas été pour Nietzsche ce que Caroline Lamb a été pour Byron, et son Nietzsche n’est pas Glenarvon. Pourtant, il aurait mieux valu que Lou Salomé n’écrivît pas son livre, et qu’elle restât auprès de Nietzsche. Elle seule pouvait le sauver, elle seule pouvait le retenir par la main. »