Tu verras
de Nicolas Fargues

critiqué par Veneziano, le 10 mars 2011
(Paris - 46 ans)


La note:  étoiles
Le fils et sa chambre
Nicolas Fargues décrit un jeune père quadra, qui semble lui ressembler fort, d'un pré-adolescent, Clément, qui meurt brutalement, et sans préavis apparent, sous une rame de métro.
S'il lui reprochait ses manières et ses influences, malgré la timidité du jeunot, le drame l'envahit, l'immerge, le détruit. Tout le lui rappelle, les bons sentiments et belles attentions le gênent. Il erre, vivote, plane et ressasse, au point que, sur un conseil, il part, pour guérir de son mal, consulter, à Ouagadougou, au Burkina faso.

Ce livre paraît être né d'une frayeur. Dans le roman, le fils, à huit ans, demande au père ce qu'il ferait s'il mourrait.
Cette histoire m'a fortement rappelé La Chambre du fils, film de Nanni Moretti, très beau et très noir, au point de décrocher la Palme d'Or en 2001. J'avais hésité, vu l'obscurité du thème, à aller le voir, et j'ai été scotché à mon siège, tétanisé, comme vivant l'histoire en immersion. Comment peut-il faire beau ? Comment la vie peut-elle reprendre ? Comment capter des souvenirs et des explication ? Je l'ai vu trois fois. J'ai été saisi par le caractère solaire des décors, face au désarroi des parents, particulièrement du père interprété par le metteur en scène, comme encore davantage mis à nu par cette lumière, comme transformé en incandescence.

J'ai retrouvé cela dans ce livre. De surcroît, il part pour l'Afrique. Le réveil, le départ et la vie sur place, après les jours d'errance à Paris le drame, font écho à cette lumière désarmante, semblant rentre visible à toutes et tous ce dénuement intérieur.
Au passage, à l'attention des habitué-e-s des rencontres parisiennes de Critiques libres, la scène se passe souvent au métro Vavin, à quelques pas de Montparnasse, où nous nous retrouvons pour dîner.

Là où Nanni Moretti, comme à son habitude, avance dans son lyrisme noir, Nicolas Fargues évolue dans la candeur, recherche l'émoi pré-adolescent, comme pour mieux comprendre son fils, en sus de la nostalgie avouée de ses propres jeunes années, avec un regard introspectif lucide du narrateur, qui ne peut que faire penser à l'auteur, comme souvent dans ses romans, semble-t-il.
Noir et solaire, sombre et touchant, ce roman paraît juste, et simple.
La perte et le regret 8 étoiles

Il s’agit d’un roman sur le deuil, mais pour moi avant tout un roman sur la parentalité moderne. À travers une rare voix masculine, l’auteur trace un portrait saisissant d’authenticité de la préadolescence avec ses multiples références culturelles et sociales. En même temps, il démontre à quel point les relations père-fils ne changent pas vraiment à travers les époques. Comment on répète les mêmes manières d’élever les enfants. Le ton est lucide et parfois empreint de cynisme, un vrai régal. Dommage que l’histoire en soi ne soit pas plus développée. Néanmoins, cela demeure un excellent roman contemporain.

Aaro-Benjamin G. - Montréal - 55 ans - 1 février 2015


Futur compromis... 6 étoiles

On dit qu’il n’existe pas de mot pour qualifier l’état dans lequel nous sommes lorsqu’on perd un enfant. C’est exactement ça ou presque, que Nicolas Fargues raconte dans son livre. Les premières pages sont poignantes, dures, terribles et je ne suis même pas maman. L’avantage, c’est qu’on est tout de suite mis dans l’ambiance.

Ce petit bouquin raconte l’histoire d’un drame, celui de Colin. Ce fonctionnaire de 40 ans à la vie plutôt banale, la voit basculer le 23 juin, dans le métro de Paris, lorsqu’il perd brutalement Clément, son fils unique de 12 ans, alors en plein début de crise pré-adolescente.

Bouleversé, écrasé par ce malheur et par la culpabilité, Colin replonge sans cesse dans le passé, les derniers moments de Clément. Ces moments où il n’ a pas su le comprendre, ces moments où il a passé son temps à le critiquer, à lui seriner des conseils d’adultes, ces moments où il ne lui a pas dit à quel point son amour était fort pour lui car cette fin brutale était impensable. Tu Verras c’est justement ce que Clément ne verra jamais, un titre dur qui évoque avec horreur un futur qui n’arrivera jamais.

Il y a quelque chose qui m’a dérangé dans les premiers temps de ma lecture (soit pas très longtemps puisque j’ai lu ce petit livre en moins de deux jours), je ne sais pas si ça vaut le coup de vous en parler mais bon j’ai décidé de vous le dire quand même ! J’ai été gêné par certaines réflexions de Colin sur le rap, les Kamel, et autres Moussa ainsi que sur cette manie de préciser l’origine “raciale” des personnages. Je me suis dis “mais il est raciste ou quoi ce Nicolas Fargues ?” En fait pas du tout. Pour moi, Nicolas Fargues force son personnage à se confronter à ses préjugés puérils de bobo parisien qui se veut ouvert et branché mais qui au final est comme tout le monde, c’est à dire effrayé par ce qu’il ne connaît pas et ne comprend pas, en l’occurrence ici, l’univers de son fils. Son deuil, aussi douloureux et terrible soit-il va le pousser à se remettre en question entièrement. Quel sens peut avoir sa vie alors qu’on a pris celle de son fils ? Comment va t-il continuer sans lui ?

Ce petit livre se lit très vite, on a envie de savoir comment ce père, qui passe son temps à s’accabler, va essayer de redonner un sens à sa vie, son drame va d’ailleurs le pousser à faire des choses qu’il n’aurait jamais envisagé auparavant.


Malgré le coup de poing que peut donner ce livre et la beauté de l’amour que porte Colin à son fils, je suis restée sur ma faim pour deux raisons. D’abord parce que les livres qui racontent des drames sont obligatoirement des livres qui nous marquent et ce, malgré leur qualité intrinsèque (attention, ce n’est pas forcément le cas ici). Et ensuite parce que cela s’arrête brutalement et sans que l’on sache réellement le mot de la fin, ce qui à tendance à m’agacer. C’est un peu comme si l’auteur ne savait pas comment finir son livre ou qu’il en a eu marre. Place à l’imagination certains me diront ! Oui mais non, là c’est plutôt une jolie queue de poisson, c’est vraiment dommage car il est indéniable que Nicolas Fargues a beaucoup de talent.

Nola Tagada - Paris - 39 ans - 6 mars 2013


Toujours un peu de sa propre histoire dans ses lectures ? 7 étoiles

J’ignorais tout de ce nouveau livre de Nicolas Fargues. Mon choix reposait sur le souvenir léger du très réussi «J'étais Derrière toi ». Du coup, j’y suis allé les yeux fermés, confortés par le prix Telérama France Culture. Ne me demandez pas pourquoi, j’étais persuadé d’ouvrir un livre léger ! J’ai tout faux. C’est un livre sur le deuil, sur le plus dur celui de son enfant ! C’est un livre sur l’adolescence et cette période de la vie où les repères changent, se troublent ! C’est un livre sur la résilience ! Sur l'amour inconditionnel, sur le deuil. C’est un livre sans fin car il ne peut finalement pas y en avoir ! L’écriture est simple, légèrement distanciée, imagée. La montagne pour symboliser la douleur reste une merveilleuse trouvaille. Elle rythme sa douleur, la décrit parfaitement. Après j’ai gardé un goût d’incomplet. Mon jugement est sévère. Il contredit même ma première impression sur l’absence de fin. Comme si il manquait quelque chose ? Mais mes enfants s’approchent de cette période vertigineuse ! Au fond de moi, je veux sans doute me protéger ; ne pas croire au ressort dramatique de ce livre. Il est si futile (Je vous le tais car c’est un des éléments clés du livre)…Comme toujours la lecture est aussi ce qu’on y met de sa propre histoire, de ses propres peurs et envies. Mais oui ce livre est bien écrit, l’histoire est dure, frôlant l’universelle par certains aspects… après à vous de me dire !

Ulrich - avignon - 49 ans - 1 mai 2011