A rebrousse-poil
de Henri Vincenot

critiqué par Hexagone, le 3 mars 2011
( - 53 ans)


La note:  étoiles
Babylone sur Seine.
Une jeune et enthousiaste bourguignonne monte à Paris pour enseigner aux enfants de la capitale.

Ayant délaissé ses études qui coûtaient trop cher, au profit de son frère qui désire emprunter pour moderniser la ferme familiale. Melle Lorriot se retrouve institutrice dans un quartier parisien, non loin des fortifs, des bidonvilles.
Cheville ouvrière de cette école laïque est républicaine, ardente défenseur de l'égalité face à l'enseignement, gonflée d'idéaux et d'amour propre, cette jeune enseignante va être confrontée à la dure réalité du terrain.
Des classes surchargées, des locaux miteux, une population pauvre socialement et intellectuellement.
Des petites frappes qui font le coup de poing et font régner la loi dans la classe, une hiérarchie pleutre et couarde, des collègues j'en foutiste, voilà de quoi l'environnement professionnel de la belle est constitué.
Certains passages sur l'école seraient dignes de figurer dans une enquête journalistique actuelle, un copié-collé placé entre deux dépêches et je suis certain que tout le monde n'y verrait que du feu. Incroyable comme la situation n'a pas évolué et semble récurrente au fil des décennies.
Le prêtre ouvrier sur le devenir qui a les mêmes aspirations mais des méthodes différentes vient habilement compléter ce roman où l'auteur développe la vision républicaine, religieuse et athée du monde moderne, sans oublier les matérialistes progressistes.
De scènes cocasses en désillusions, Melle Lorriot va découvrir l'envers d'un décor qu'elle n'imaginait même pas.
Vincenot n'y va pas avec le dos de la cuillère. Il développe tous les thèmes qui lui sont chers au travers de tous ses livres.
La condition des paysans, des urbains, de la femme, de la nature et de l'univers rien que ça.
Il évoque cette modernisation délétère de la paysannerie, la promiscuité et la déchéance de l'homme moderne dans sa cité de débauche et de débâcle, cette femme qui a abandonné ses instincts naturels pour en satisfaire d'autres matériels, cette nature absente dans la ville conséquence du mal être et de la déshérence humaine, et cette homme qui tel un Icare attiré par les feux de la ville ne fait que chuter après un bien court envol vers la modernité.
Vincenot oppose habilement une ville lunaire à une campagne solaire, il use du même moyen pour opposer l'enseignante et l'apprenti prêtre qui finiront comme les astres par se réunir pour danser le ballet de l'univers.
Vincenot tire à boulets rouges sur la modernité, sur les incohérences de la vie urbaine.

Ecolo-barde avant l'heure, Vincenot pourrait passer de nos jours pour un horrible raciste, un réactionnaire, un passéiste et un misogyne. Pourtant ne nous parle-t-il pas simplement de la sagesse qui devrait nous animer par ces temps de révolution, de déboussolement et de tournis médiatique. Tous les livres de Vincenot sont autant de moyens de se reposer l'âme et de méditer.