La mort du lion
de Henry James

critiqué par Kinbote, le 14 avril 2002
(Jumet - 65 ans)


La note:  étoiles
L'oeuvre contre la vie
Dans ce texte écrit en 1894, Henry James met en scène un jeune homme venu, pour le journal qui l'emploie, rendre visite à un écrivain qui connaît une notoriété soudaine et qui va devenir jusqu’à sa mort prochaine son protecteur, celui qui va tant que faire se peut écarter de l'artiste les importuns.
Dans le petit monde littéraire de l’époque, les hommes prennent un pseudo féminin et réciproquement, ce qui donne des scènes cocasses où on ne sait à quel genre réel font référence les pronoms personnels employés. James dépeint un monde cruel où sur les lieux mêmes où le grand écrivain se meurt, victime en quelque sorte de sa concession aux mondanités, un autre le remplace dans une lecture qui devait être faite par le premier. Le narrateur va s’attacher à une jeune femme venue elle aussi dans le but de rencontrer l’artiste et qu’il convaincra de rechercher l’homme dans son œuvre plutôt que dans les aléas de la vie quotidienne. Il lui dit : « Lorsque vous croisez un génie comparable à notre idole, épargnez-lui le morne devoir d'être aussi une personnalité ».
Fabrice Hugot dans sa préface raconte que James, à l'instar de Proust - les deux écrivains ont souvent été associés pour leur écriture et leur peinture d'un monde finissant - dans son « Sainte-Beuve », défend l’oeuvre contre la vie. Il fait remonter ce goût des Anglais pour la vie de leur écrivains à ce « loupé originel » qui leur fit méconnaître tout de l'existence
de Shakespeare. Il nous est signalé aussi que durant son existence Henry James fut moins connu que son frère William qui était philosophe et qu’il ne connut la notoriété qu'après sa mort survenue en 1916.
Ce court récit qui s'inscrit dans une série consacrée à la figure centrale de l’artiste ne possède certainement pas la force allégorique d'un texte comme « L’image dans le tapis ».