Primo, la soixantaine, décide brusquement de partir à la recherche d’un ami d’enfance qu’il n’a pas revu depuis plus de quarante ans, pour lui apporter la réponse à une question qu’il lui avait posée quand ils étaient encore écoliers. Pour le retrouver, Il entreprend alors un voyage, plus long par sa lenteur que par sa distance, en remontant le fleuve qui passe par son village dans les environs de Ferrare. « Il allait vers la source, sans s’en apercevoir. Il revenait là où tout commence. »
Et, tout au long de ce périple, au rythme d’un vieux cheval tirant sa carriole, il va, avec son cocher de circonstance, vivre des péripéties qui nourriront peut-être un jour la légende du fleuve, écouter des anecdotes, des souvenirs qui appartiennent déjà à la tradition orale du pays et des fables et des aventures qui sont, elles, déjà dans la mythologie au-delà de la réalité, dans l’imaginaire, qui constitue la mémoire identitaire de ce peuple attaché à son fleuve malgré les affres qu’il lui inflige. Car ce flot c’est le sang de cette région, celui qui nourrit, celui qui véhicule la vie, les histoires, les histoires d’amour aussi.
Et, ce roman c’est bien sûr le symbole de la vie, de la vie qu’il faut remonter vers l’enfance, vers les origines quand il faut parcourir la dernière étape avant la fin définitive, pour ne rien oublier, pour, une dernière fois, goûter ce qu’elle fut. C’est aussi le moment où il faut rassembler les morceaux épars, dispersés par l’existence, pour reconstruire l’être qu’on a été et qu’on restera pour la postérité.
Mais, c’est aussi un grand cri d‘amour pour cette région, pour ce fleuve, pour cette ville, que l’auteur a tellement aimés et qu’il décrit comme les cinéastes italiens des années soixante, spécialistes du cinéma réaliste, ont porté à l’écran les villes et campagnes italiennes dans des scènes grouillantes de vie qui ne pouvaient, hélas, pas reproduire les odeurs que Franceschini suggère à longueur de pages. Et, c’est bien dommage, car ce livre se sent avant de se lire et même si, au début, il inspire une certaine circonspection, il finit par enivrer de ses odeurs entêtantes et de ses récits qui tutoient souvent le rêve fantastique.
Ceux qui ont lu « Mal’aria » d’Eraldo Baldini, n’auront certainement pas manqué de retrouver cette atmosphère vaporeuse, humide, liquide, oppressante et inquiétante qui régnait sur les rives du Pô, pas très loin de Ferrare, dans les marais, pendant la période mussolinienne quand l’épidémie sévissait sournoisement. Mais, « depuis qu’il est revenu. Il ne pense qu’à mourir dans son eau. Je le comprends. Nous la regardons chaque matin, nous la buvons, elle nous fait vivre, nous en rêvons la nuit.
Débézed - Besançon - 77 ans - 25 avril 2011 |