Les Nouveaux Nouveaux Mystères de Paris
de Cécile Vargaftig

critiqué par Sahkti, le 19 février 2011
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Frédérique, le retour et plus encore !
Cécile Vargaftig nous a habitués à l'autofiction, qu'elle manie avec humour et talent. Cette fois, elle nous entraîne dans une drôle de balade, inspirée d'Eugène Sue, à travers époques et personnages divers, dans Paris.
L'héroïne principale, nous la connaissons, puisque nous retrouvons Frédérique, personnage d'un roman éponyme de l'auteur, qui ressemble beaucoup à sa créatrice: elle est scénariste et elle aime les filles. Une des raisons d'ailleurs pour lesquelles tant l'auteur que son personnage refusent d'appeler leur animal de compagnie "chatte" parce que ça prête à confusion, alors ce sera "un chat", même si le chat est une dame. Ceci peut passer pour un détail mais c'est un reflet de la confusion qui habite parfois Frédérique, agacée d'être devenue une héroïne de roman parce que ça change sa vie, ses habitudes, elle ne sait pas comment se comporter et tout devient soudain beaucoup plus compliqué.
Cécile Vargaftig a-t-elle connu des soucis similaires ? On pourrait se le demander vu l'aisance avec laquelle elle décrit parfois les petits tracas du quotidien en pareille situation.
Frédérique est un personnage étonnant, un peu décousu, dont les pensées partent dans tous les sens, sans tout le temps suivre un fil conducteur cohérent. Au contraire, elle aime brouiller les pistes, suivre les traces d'éléments un peu fous qui n'ont ni queue ni tête et tant pis si elle ne sait pas où ça la mène. Dans le cas présent, vers pas mal de surprises, le tout toujours décliné avec drôlerie, à travers l'écriture vive et grinçante de l'auteur qui paraît très à l'aise dans ce jeu du chat et de la souris. Cela donne naissance à un roman bien mené, au rythme soutenu et haletant qui colle bien au personnage et à la trame. On voyage dans le temps, on fait des rencontres, on mène une enquête, tout cela en compagnie de Frédérique qui part à la recherche de son moi à travers les histoires des autres. Et offre ainsi la possibilité à sa mère littéraire, Cécile, de devenir à son tour partie prenante du roman. Ben oui, c'est bien beau de partir parcourir le temps et l'âme des autres, mais faudrait voir à pas oublier de nourrir la chatte - le chat femelle, pardon ! - et d'arroser les plantes.
Un roman un brin déjanté, drôle et sensible à la fois, très humain, avec une vision féminine du monde qui n'est pas pour me déplaire. Assurément un bon moment de lecture !
Foutraque et déroutant 6 étoiles

Ce roman me laisse un sentiment mitigé. Il est inventif, certes. Transgressif, légèrement. Déroutant, énormément ! L’auteur invente une héroïne, Frédérique : le même caractère, les mêmes préférences sexuelles, les mêmes centres d’intérêts, bref un clone de papier. Jusqu’ici, rien de très original me direz-vous. Là où ça le devient, c’est quand l’auteur et son personnage entament une discussion sur la suite à donner à ce livre. L’histoire qui venait de commencer est complètement délaissée au profit de la description de cette tempête dans la tête de l’auteur. Le personnage va se désolidariser de son auteur et vivre l’histoire comme il l’entend. Ajoutez à ce joyeux bordel littéraire un chat qui parle et un buffet qui envoie les personnages dans le temps en plein centre de Paris. J’ai longtemps cherché le fil conducteur de ce roman pour admettre au final qu’il n’y en avait pas. Eugène Sue doit se retourner dans sa tombe. Un roman plaisant donc, mais terriblement foutraque.

Nothingman - Marche-en- Famenne - 44 ans - 1 août 2012


l'armoire à malice 7 étoiles

Frédérique, l’héroïne de ce roman, qui est aussi celle du roman dont elle est le personnage éponyme, a, selon l’auteure, un certain nombre de points communs avec elle-même, notamment son homosexualité. Donc, Frédérique est un peu l’auteure. Elle a reçu un message lui demandant de retrouver une certaine personne au moyen d’une armoire Henri II, permettant de voyager dans le temps et l’espace, installée dans un immeuble parisien qu’elle va devoir identifier avant d’entreprendre ses recherches.

Cette intrigue, en forme de clin d’œil à Eugène Sue, n’est, pour l’auteure, qu’un prétexte destiné à s’affranchir des contraintes de temps, de lieu, de sexe, de mode littéraire ; un bel exercice de libération de sa plume qui raconte surtout comment elle va s’y prendre pour y parvenir. A cette fin, elle va s’immiscer dans le récit, dialoguer avec ses personnage qui vont la prendre à partie pour lui dire comment faire évoluer l’intrigue et même s’accaparer le récit pour le conduire à bonne fin.

Un exercice habile mais périlleux qui livre un texte naviguant entre une judicieuse inventivité, une subtile puérilité et des clichés ressassés. L’écriture est proche du langage oral, vive, libérée, dépouillée, entraînante dans une lecture facile, mais un trop familière et même carrément vulgaire dans certains passages. In fine, un projet ambitieux, intéressant, excitant, qui hélas ne va totalement à son terme faute d’un style adapté à cet exercice. Ca manque de fluidité notamment dans la navigation entre les divers univers, ce qui laisse une certaine impression d’artificialité et d’inachevé.

Il reste tout de même que cette transgression sexuelle, narrative, temporelle, interpelle comme une invitation à la transgression littéraire ce qui est peut-être aussi le but recherché par l’auteure et ce que je retiendrai d’abord de cette lecture.

Débézed - Besançon - 76 ans - 5 février 2012