Brouillard au pont de Tolbiac
de Léo Malet

critiqué par Hexagone, le 12 février 2011
( - 53 ans)


La note:  étoiles
Brumes et anarchie.
Présentation de l'éditeur :

Années 1950. Dans les brumes parisiennes du XIIIe arrondissement, Nestor Burma est rattrapé par son passé : une jeune gitane des rues le guide vers l'hôpital de la Salpêtrière où il découvre le cadavre de son ancien camarade de lutte. Il est loin le temps où "Dynamite Burma" fréquentait la cellule anarchiste du quartier... Reconverti dans la fausse monnaie et la ferraille, le mort continuait, lui, à vivre dangereusement, menacé par la bande de l'attentat du pont de Tolbiac, une affaire sanglante jamais élucidée. Le privé a beau se vanter de "mettre le mystère K.-O. ", comme l'indique sa plaque de détective, il ne peut rien contre le jeu de massacre qui s'annonce. D'autant qu'il est prompt à s'émouvoir face à Bélita, la femme-enfant égarée sur son chemin...

Mon avis:

Nestor Burma, flic privé, ancien anar, rompu aux vicissitudes d'une vie agitée est bien l'un des derniers dinosaures du polar français comme nous n'en verrons plus.
Gouailleur, prompt à faire don de sa personne, il ne se départit jamais de son honneur et de sa droiture. Il symbolise bien ces hommes d'après guerre, ni bons ni mauvais, ayant vécu aux marges de la société et qui n'ont jamais pris le parti de se résigner et de se plier aux plus offrants.
Il me plait moi Nestor.
Idéaliste sans être naïf, il va au bout de ses idées. Il jette un regard froid sur la vie des hommes, sur leurs motivations les plus viles sans jamais omettre de ponctuer ses phrases d'un bon mot cynique aussi tranchant que le couperet de la Veuve.
Burma dans cet épisode va mener tambour battant des recherches pour déterminer les raisons de la mort de Abel Benoît, copain de l'ancienne cellule d'anarchistes qu'il eut fréquentée dans sa jeunesse.
La particularité de ces nouveaux mystères de Paris c'est que toute l'investigation se déroule uniquement dans un arrondissement de Paris en l'occurrence le treizième.
Burma va évoluer dans une atmosphère humide, climat clair-obscur parsemé de friches, de zones industrielles et de gourbis. Malet dépeint avec justesse l'ambiance de cette époque qu'il a bien connue.
Malgré le récit assez court, Malet parvient dès le départ à planter un climat qui rappelle ceux des films en noir et blanc dont les vedettes sont Ventura, Gabin, Blier and Co.
Des paroles d'hommes qui cognent, des femmes aimantes masquées de fausses pudeurs. Des salauds reconvertis ayant pignons sur rue, des flics un peu dépassés ayant toujours les faveurs de Burma.
Une découverte plaisante, qui n'est pas sans rappeler les livres de Boudard, de Dard où l'argot pimente les situations et fait résonner une langue verte passée de mode, supplantée de nos jours par le verlan qui n'a pas le même charme.
Radiographie d'une époque révolue, où l'honneur avec encore un sens et était une vertu, les romans de Léo Malet sont une valeur sûre pour ceux qui désirent se plonger au coeur de l'après guerre. Amateurs de polars sanguinolents, bourrés d'artifices technologiques et de sexe passez votre chemin.
En revanche, les amateurs en goguette, attiré par le Paris d'après guerre du côté du Pont de Tolbiac vous ne serez pas déçu du voyage

Tardi a illustré le Roman de Léo Malet, il semble être une belle réussite
Les bas-fonds… 7 étoiles

Après, « Le tango de la vieille garde » d’Arturo Perez Reverte, qui tenait le haut du pavé, je retrouve pour la septième fois, Léo Malet avec le bitume du XIIIè arrondissement parisien, pour une histoire courte, mais pas dénuée d’intérêt. Mais allez donc savoir pourquoi ? Dès le « 120, rue de la gare » donc d’entrée de jeu j’ai de suite identifié son héros à un acteur américain peu connu, qui incarnait le personnage de Dan Tobin dans « L’homme tranquille de John Ford, vraisemblablement à cause de son faciès de roublard bien loin des héros aux physique avantageux de tombeur… Même si l’écriture de cet auteur m’apparait des fois chaotique, son brouillard ici dissimule pour Nestor Burma un rétropédalage dans le temps, puisque qu’une de ses anciennes relations s’est fait suriné. Un passé pas si simple, puisque qu’il tutoyait le milieu anar, où le « tigre » lui-même de mémoire disait : L’homme qui n’a pas été anarchiste à seize ans est un imbécile » Page24. Pour quelqu’un qui fréquentait le « Claude » Voyez un peu le tableau !
Pas mal.

Pierrot - Villeurbanne - 72 ans - 13 janvier 2019


Un treizième effrayant, triste, noir à pleurer... 7 étoiles

Ce polar est paru en 1956 dans la série qu’a consacré Léo Malet à la capitale, « Les nouveaux mystères de Paris ».

Malet a voulu, ou subi, son héros comme un privé qui ne réussit pas souvent. Là encore Burma échoue. Oh, pas complètement bien sûr, son ami sera vengé, les affreux qui l’ont tué seront fait aux pattes ou occis, mais lui perdra aussi. Burma n’est pas le gagnant qu’adule un public : il est tout bêtement humain.

Brouillard au pont de Tolbiac est un voyage complet dans le XIIIème parisien. On aimera (ou pas, d’ailleurs) cette exploration minutieuse du macadam, le foisonnement de noms de rues : le site « Terre des écrivains » a fait un travail qu’il faut saluer sur ce bouquin, en nous rafraichissant la mémoire sur les lieux visités par Nestor au cours de son enquête (vous pouvez cliquer ici :

http://terresdecrivains.com/Brouillard-au-pont-de-…

Humain, Burma l’est ici terriblement puisqu’il tombe amoureux d’une jeune gitane que son ami avait pris sous son aile sans jamais la toucher, une « romano » qui lui avait été louée par une bande d’affreux, une bande décidée à la reprendre puisque la pension que versait cet ami n’est plus réglée rubis sur l’ongle.

Tout est triste à pleurer dans ce polar. Les lieux sont immondes, noyés dans la brume comme il semble que c’est leur destinée immuable, le brouillard. Les gens sont moches, des affreux gitans aux ex-anars reconvertis dans le faire suer l’burnous aux derniers de la classe. Burma n’y est pas dépaysé : le XIIIème, il connait, les rêves anarchistes, il a donné, la trahison mauvaise des petites gens, il a appris avec le temps. Il essaie bien de se sortir de ses souvenirs, mais le destin tragique du XIIIème les rattrape… Tous, jusqu’au dernier.

Un polar qu’on ne lit pas avec plaisir, un polar non jubilatoire s’il en est, un polar à se rendre plus triste encore un jour de pluie. Ou de brouillard. Trois polars en un, m’sieurs dames, et pour le même prix ! Une exploration des profondeurs d’un Paris que n’auront pas idée de visiter les touristes, une histoire d’amour finement ébauchée, l’épilogue d’une vieille vengeance bien recuite. C’est moche, l’homme…

Noir de Polars - PARIS - 56 ans - 7 décembre 2011