Gueule de rat
de Jean-Pierre Andrevon

critiqué par Dirlandaise, le 7 février 2011
(Québec - 68 ans)


La note:  étoiles
Une vie cauchemardesque
J’ai beaucoup aimé le livre de Jean-Pierre Andrevon intitulé « Le dernier dimanche de M. le chancelier Hitler » donc je continue avec cet auteur. J’ai choisi son livre car j’avais le goût de lire un peu de fiction et je n’ai nullement été déçue. Il s’agit de l’histoire d’un gars vraiment malchanceux dans la vie. Son père, ouvrier au chantier naval de La Carguat dans le sud de la France, abandonne sa mère qui doit se prostituer pour subvenir aux besoins de sa famille. Bernard Garcin a une sœur prénommée Chloé qu’il martyrise lorsque sa mère est absente de la maison pour son « travail ». Celle-ci ne tarde pas à tomber malade et meurt, laissant les deux adolescents orphelins. Bernard a seize ans et il lui est fortement recommandé d’abandonner l’école et de trouver du travail d’autant plus que ses performances scolaires sont carrément désastreuses. Sa petite sœur âgée de treize ans s’empresse de trouver un « oncle » pour prendre soin d’elle et Bernard, faute de travailler, se débrouille pour survivre en zonant. Il aura bien des ennuis et des problèmes le pauvre. En fait, sa vie tourne au cauchemar lorsqu’il est impliqué dans un conflit à saveur politique et raciste qui fait un mort. Peu instruit et affligé d’un quotient intellectuel très bas, Bernard ne peut espérer se sortir de cet enfer qui attend les gens comme lui, sans famille et sans aucune protection.

Un livre extrêmement dur qui se passe dans les bas-fonds français. Il y a beaucoup de sexe et de violence mais ce n’est pas gratuit. Cela fait partie du monde de Bernard dont le parcours est jalonné de drames et de règlements de compte. Il goûte à la prison, aux travaux communautaires avant d’être récupéré par l’Islam qui le nourrit et le protège en échange de sa complète soumission à ses règles. Bernard ne vit pas, il subit sa vie. Il est balloté et n’a jamais le moindre contrôle sur ce qui lui arrive. C’est vraiment terrible.

Malgré la dureté du propos, j’ai beaucoup aimé cette lecture qui dépeint une société française rongée par la violence et le racisme. L’écriture de Jean-Pierre Andrevon est précise, efficace et d’une qualité certaine. Les termes d’argot pullulent et un index aurait été d’une grande utilité enfin pour moi qui ne sait pas ce que bougnoule, zonzon, teupos et choucard peuvent bien signifier. J’arrivais à deviner selon le contexte mais tout de même, ce n’est pas un vocabulaire employé couramment ici au Québec donc j’aurais apprécié un genre de petit dictionnaire d’argot en fin de volume. Monsieur Andrevon est un excellent raconteur d’histoires et il a encore réussi à me captiver avec celle-ci malgré son côté fort déprimant et d’une sordidité à la limite du soutenable.

« Même si on ne s’y connaissait pas de la veille, on pouvait toujours trouver quelque chose à manger dans les chantiers – à condition qu’on eût quelque chose d’autre à donner en échange. Jusque tard dans la nuit, des braseros, alimentés par les dernières charpentes ou par le fioul sucé à des conteneurs en rade, pointillaient le chantier de jolies lueurs orangées. Y cuisaient des viandes étiques dont il était préférable de ne pas chercher à connaître la provenance, parfois aussi des kilomètres de saucisses de Leipzig ayant dépassé la date d’expiration, et troquées au Leclerc contre une demi-journée de travail. Dans tous les cas, l’odeur mettait l’eau à la bouche, même celles que le scorbut et les coups de matraque avaient vidées de leurs dents. »