Le Dérèglement du monde
de Amin Maalouf

critiqué par Tanneguy, le 6 février 2011
(Paris - 85 ans)


La note:  étoiles
Une réflexion enrichissante
Outre ses qualités reconnues de romancier (Le rocher de Tanios, Goncourt 1993), Amin Maalouf ne dédaigne pas de produire de temps à autre un essai généralement lucide relatif à ce qu'il connaît le mieux, à savoir la cohabitation difficile entre l'Occident et le monde Arabe : il appartient lui-même aux deux civilisations.

Dans ce texte récent, l'auteur exprime ses craintes : Arabes et Occident ne sont guère sur le point de se rapprocher ; il cherche les raisons de ce désamour grandissant et propose quelques pistes de réflexions. On peut ne pas être toujours d'accord sur ses propositions, mais on appréciera beaucoup l'analyse détaillée à laquelle il se livre, sur le plan historique tout d'abord, sur la psychologie des uns et des autres ensuite. Nous avons tendance à ignorer une histoire compliquée, d'autant que celle-ci n'est guère enseignée dans les écoles de la République : impact des Croisades, des invasions perses et turques, défaites successives des Arabes depuis plusieurs siècles, éveil du terrorisme, toute-puissance apparente de l'Occident...

Nul doute que ce bref essai, d'autant qu'il est rédigé dans une langue claire et agréable, donne au lecteur quelques clés précieuses pour se forger un avis sur les récents évènements en Tunisie et en Egypte que l'auteur semblait annoncer deux ans auparavant
LIMPIDE 10 étoiles

Amin Maalouf, écrivain d'origine libanaise, nous offre par cet essai particulièrement brillant, une analyse puissante et profonde entre religion et politique, les rapports compliqués entre l'orient et l'occident et notamment dans le monde arabe. Il nous explique avec une grande clarté et un grand courage la déliquescence des sociétés de culture islamique depuis maintenant deux siècles, l'intrication entre religion musulmane et la politique menée dans ces pays qui induit un manque de vision des dirigeants et d'émancipation pour les peuples, générateur de misère et de souffrance particulièrement pour les femmes.
Cet ouvrage est d'une rare limpidité et je ne peux qu'en recommander vivement sa lecture.

HAL007 - - 66 ans - 19 novembre 2012


La fin d'un monde ? 9 étoiles

Dans ce livre, Amin Maalouf nous dit que tous les peuples sont dans la tourmente et que, si nous n’y prenons garde, nous allons sombrer tous ensemble. Mais, nous dit-il, tout au bout de l’échelle, il y a le monde arabo-musulman « qui éprouve de la rancœur contre la terre entière, et avant tout contre lui-même, et qui s’enfonce encore et encore dans un puits historique d’où il semble incapable de remonter ».

Il n’hésite pas à critiquer les USA pour leur envie d’hégémonie mondiale et l’Europe toujours « partagée entre son désir de vouloir civiliser le monde et sa volonté de le dominer – deux exigences inconciliables ».
Mais il fustige avec la même vigueur tous ceux qui, jusque dans son propre pays, le Liban, rendent les colonisateurs responsables de tous leurs malheurs.

Tout l’intérêt de ces considérations, c’est qu’elles sont faites par un Arabe. Un Arabe qui se revendique des deux cultures, la musulmane et la chrétienne, et qui n’hésite pas à dire que « pour l’humanité entière la civilisation occidentale demeure le modèle ou, en tous cas, la principale référence ».

Quand on se sent en parfait accord avec un auteur d’une telle notoriété, on se sent rassuré, surtout quand les sujets abordés sont des sujets controversés et que l’auteur est reconnu pour sa lucidité, sa compétence et son impartialité.

Le livre aborde ensuite l’Histoire du monde arabe depuis la chute de l’empire Ottoman.
Il nous parle du légendaire prince Fayçal, conseillé par Laurence d’Arabie et de tous les autres personnages qui ont compté dans l’histoire.
Et puis il reprend l’histoire depuis 1950, quand le monde arabe commence à sortir de l’ère coloniale. Il nous montre comment Nasser a failli réussir la grande union des peuples arabo-musulmans et il termine par nous décrire les précipices où se trouvent aujourd’hui les nations arabes.

Ce livre aborde encore la question économique, le sort dramatique de l’Afrique, l’immigration musulmane et les dangers de destruction de notre environnement. Amin Maalouf aborde ces sujets avec lucidité et se montre pessimiste quand il parle des immigrés et des identités meurtrières.

Il développe encore dans son livre des idées tout à fait intéressantes ; selon lui la grande chance de l’Occident est d’avoir eu une religion avec un clergé nanti d’un vrai pouvoir sur les peuples. Ce fut en fait un contre pouvoir à l’absolutisme des empereurs et des rois. Selon lui, c’est ce partage des pouvoirs qui a permis les Lumières, les démocraties laïques, et finalement les Droits de l’Homme qui sont un modèle pour le monde.
Les religions, nous dit-il, sont ce que les populations en font. Là encore il nous montre de nombreux exemples, et particulièrement des exemples tirés du monde musulman, où chacun fait ce qu’il veut à partir des textes sacrés, pour justifier sa légitimité.

Son livre se termine par une solution au dérèglement du monde : d’une part, les immigrés devraient faire connaître à leur pays d’origine les bienfaits de la civilisation de leur pays d’accueil et, d’autre part, les pays d’accueil devraient se mettre à la culture de leurs immigrés. C’est ce brassage des cultures qui, selon lui, nous assurerait un monde pacifié.
Mouais ! On peut rêver ! Il parait que pour ne pas sombrer dans le désespoir il faut croire aux utopies… alors, pourquoi pas celle là !

Pour terminer je dirai que ce livre est très dense et très instructif. Il aborde tous les problèmes actuels d’un point de vue inhabituel, puisque l’auteur est Arabe. Son intérêt est capital pour qui veut comprendre le monde et se rassurer sur la grandeur de notre civilisation.

Saint Jean-Baptiste - Ottignies - 88 ans - 5 août 2011