La France de Raymond Depardon
de Raymond Depardon

critiqué par Jlc, le 1 février 2011
( - 81 ans)


La note:  étoiles
Balade au rythme d'un coeur
La lecture du « Dictionnaire amoureux de la France » de Denis Tillinac m’a fait réouvrir le livre de Raymond Depardon consacré à une démarche de plusieurs années qu’il qualifie de folle et personnelle : photographier le territoire français à bord d’un camion équipé d’une chambre adaptée à ce qu’il voulait faire. Il choisit la couleur pour ne pas être passéiste, les lieux plus que les gens, les petites villes plus que les métropoles. Il entend « montrer les choses et les êtres parce qu’ils sont là, les choisir en vertu de leur présence », pour citer Bruno Racine, président de la Bibliothèque Nationale de France.

Le résultat est un très bel ouvrage, effectivement très personnel. Raymond Depardon a photographié les « traces des hommes laissées dans le paysage », une France qui bouge. "Il existe une détermination des populations à vouloir vivre et habiter ces petites villes où il y a encore de la place. » Ce que Tillinac traduit en parlant « d’aptitude à offrir du bonheur. »

C’est la France des bistrots et des coins de rue, celle des éoliennes et des paraboles, des couleurs saturées pour ne pas dire criardes, la France des ronds-points et des monuments aux morts, celle qui refuse les menaces de mort que sont les délocalisations, celle des crucifix aux coins des campagnes et du petit commerce (« j’achète ici, mon village vivra » lit-on à l’entrée de Thiviers en Dordogne).

Il y a peu de personnages sur ces photos mais on sent bien qu’ils sont derrière leur fenêtre comme cet habitant de Wissembourg où stationne une « Deux-Chevaux », ou au travail tels ces propriétaires d’une maison isolée de Commercy qui doit sentir bon l’encaustique comme dans les romans de Simenon. Et surtout il y a Depardon avec sa générosité, son amour des gens et des choses, sa timidité et bien sûr son immense talent. Il a manifestement préféré, « une perception intuitive, irréductible à une définition figée de l’identité française ». Il sait avec Denis Tillinac qu’ici « la vie s’écoule à des rythmes compatibles avec le battement d’un cœur ».