Décidement tu ne me comprends pas !
de Deborah Tannen

critiqué par Oburoni, le 9 janvier 2011
(Waltham Cross - 41 ans)


La note:  étoiles
Connexion vs Information
De manière générale les hommes voient le monde comme étant "un ordre social hiérarchique", les femmes plus comme un "réseau de connexions". "Si les femmes parlent et écoutent un langage de connexion et d'intimité là où les hommes parlent et écoutent un langage de statuts et d'indépendance, alors la communication entre hommes et femmes peut être comme la communication entre différentes cultures, la proie potentielle à des heurts entre styles conversationnels."

Oui, encore un livre sur les différents modes de communication entre hommes et femmes. Oui, encore une thèse qui entretient le débat juteux martiens vs vénusiennes. Oui sauf que... Il s'agit ici de sociolinguistique, un champ d'étude tout à fait sérieux et dont l'auteur, Deborah Tannen, est non seulement une universitaire brillante mais, aussi, a été l'élève de Robin Lakoff, l'auteur de "Langage and women's place", le bouquin à l'origine des études sur la connexion entre genre et langage. On pourrait s'attendre à un essai rigoureux, académique sur un sujet intéressant malgré sa récupération malheureuse par des experts douteux et pourtant ! J'ai été déçu.

Ce n'est pas sa thèse qui cloche, mais la manière dont elle l'avance.

L'idée qu'hommes et femmes sont socialisés différemment (elle traite longuement du cas des enfants), ce qui affecte leur manière de percevoir les relations sociales et, donc, de communiquer -cause de malentendus mais aussi de préjugés vis-à-vis du sexe opposé, ce qui n'est pas sans conséquence pour la place des femmes en société- est fascinante. Elle lui donne l'occasion de définir deux approches, un parler pour établir des connexions et un parler pour transmettre des informations ("rapport talk"/"report talk") qui valent d'être découvertes.

Seulement voila, la façon dont le sujet est traité est parfois embarrassante. Multiplier les exemples c'est bien, mais s'appuyer majoritairement sur des exemples anecdotiques, beaucoup tirés soit d'on ne sait pas où soit de la littérature (la fiction pour illustrer des faits ?!) ne me semble pas sérieux du tout. Souci de clarté ? Certes cela simplifie le propos, chacun pourra se reconnaitre dans les différentes situations qu'elle cite et donc mieux saisir où elle veut en venir, mais si le tout n'était pas aussi appuyé -ouf !- par des travaux académiques sérieux le livre aurait souffert d'un manque de crédibilité certain. Dommage qu'elle ne fasse pas de ces travaux le coeur de son argumentation ! Ces anecdotes sont aussi lourdes qu'inutiles et, pire, menacent à tout moment de la faire flirter avec Dr Phil.

Une analyse qui, toutefois, si on fait fi de tout le blabla qui l'enrobe, reste intéressante et pertinente.