Un jour en Ostrobotnie
de Antti Tuuri

critiqué par Débézed, le 6 janvier 2011
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
Entre le marteau et l'enclume
Un jour, un jour qui pourrait être comme un autre jour férié mais qui était différent car la famille Hakala était réunie pour partager le maigre héritage du grand-père décédé en Amérique où il avait fui depuis très longtemps, laissant femme, ferme et enfants, pour construire une autre vie.

Il y avait là les quatre petits-enfants, aussi frustes et rustres que les sept frères d’Alexis Kiwi, Paavo l’aîné resté à la ferme pour remplacer le père décédé prématurément, Veikko l’ivrogne, hâbleur, bagarreur qui rate tout ce qu’il entreprend, Seppo, l’intellectuel qui ne renie pas pour autant la bouteille quand l’occasion se présente et Erkki, le narrateur qui semble le seul être équilibré de la fratrie. Il y avait là aussi les femmes mais elles n’étaient là que pour le travail et les diverses nécessités de la vie : la grand-mère grabataire et restée dans son temps ancien, les belles-filles pleurnichardes, braillardes, geignardes, toujours à la recherche d’un mari en cavale et la mère véritable autorité de cette communauté familiale.

Cette journée va vite tourner à la beuverie où chacun va régler ses comptes mettant en évidence tous les heurts, conflits larvés, tensions, rancœurs, concurrences mal vécues, jalousies, règlements de comptes, divergences politiques,…, tout ce qui agrémente les réunions d’une famille sur laquelle pèse une histoire trop lourde à porter. L’histoire d’une région, fortement impliquée dans celle de la nation, qui a fait de nombreuses victimes quand les hommes du cru ont versé leur sang dans la guerre de libération, dans les émeutes contre les communistes avec le Mouvement de Lapua, dans la guerre des neiges et la guerre de continuation contre les Russes.

Et Antti Tuuri va faire raconter à chacun des protagonistes de ce roman, un morceau de l’histoire de cette région un peu reculée, éloignée, isolée qui souffre d’une mauvaise réputation, une région de lourdauds un peu frustes plus habiles avec leurs poings qu’avec leurs méninges. Mais, une région que ses hommes aiment profondément et qui a versé le sang en abondance pour la liberté et la patrie. Des fragments de l’histoire de cette famille aux prises avec les événements qu’elle ne finit que par subir, laissant des morts sur divers champs de bataille, dans des rixes ou des accidents mal éclaircis, des plaies mal cicatrisées qui s’ouvrent à la moindre occasion. Et, l’alcool, bien qu’il soit réglementé et malgré quelques relents de piétisme, coule à flot et énerve vite ces rustres gaillards qui veulent encore et toujours solder ces vieux comptes.

Pas une grande œuvre littéraire, mais une image poignante, parfois désolante et pathétique, de cette région victime, comme toute la Finlande, du confinement et de l’isolement qui a passé une bonne partie du siècle dernier coincée entre le marteau rouge et l’enclume brune, ou peut-être l’inverse, entre le marteau brun et l’enclume rouge, finalement comme le veut la formule habituelle entre la peste rouge et la peste brune.