Silence
de Shūsaku Endō

critiqué par Saule, le 28 décembre 2010
(Bruxelles - 59 ans)


La note:  étoiles
La persécution des chrétiens au Japon
Les Jésuites, Saint François-Xavier le premier, étaient arrivés au Japon en 1549. Ils parviendront à implanter le christianisme solidement, on parle de deux cent à trois cent mille conversions. Mais ce succès sera de courte durée : les chrétiens seront vite très violemment persécutés, et le Japon se fermera complètement à l'Occident. Shusaku Endô, un auteur japonais, est catholique par sa mère. Dans plusieurs de ses ouvrages, il revient sur ces terribles persécutions et le martyre de ceux qui refusaient d'apostasier (renier) leur foi.

Silence est le récit de deux pères Jésuites qui entrent en secret au Japon, afin de retrouver la trace d'un missionnaire dont on dit qu'il n'aurait pas supporté les supplices et qu'il aurait apostasié sa foi. L'auteur se base sur des faits réels (on a toujours des lettres envoyées par un des pères Jésuite), et nous donne un récit très prenant et émouvant (même bouleversant) sur la persécution des chrétiens dans ce Japon féodal.

La grande question qui traverse le récit, c'est le silence "assourdissant" de Dieu face au martyre des paysans chrétiens persécutés. L'auteur questionne aussi sur la différence entre le fort, qui refuse de renier sa foi, et le faible, qui apostasie (il s'agissait de piétiner une représentation de Jésus, ou de cracher sur des images Saintes). Pourquoi Dieu a-t-il voulu qu'il y ait des forts, prêts au martyre, et des faibles, incapables de mourir pour leur foi ? Mais lequel demande le plus de courage ?

C'est un grand livre, de par son aspect romanesque, et également de par l'aspect historique et théologique. La littérature, parfois mieux que la théologie, permet de poser les grandes questions "théologiques" du Christianisme, comme celle du doute et de la foi, du courage ou de la lâcheté, et du sens de la souffrance ainsi que le silence de Dieu face à cette souffrance. Voila assurément un livre qui marquera mon esprit.
Doloriste 5 étoiles

Trois moines s'embarquent de Gao vers Macao, ultime étape avant leur terre de mission: le Japon déjà partiellement évangélisé par des cohortes de Franciscains et Jésuites portugais et espagnols. La communauté catholique, surtout dans la région de Nagazaki, est importante et l'Eglise veut renforcer sa mission d'évangélisation dans ce pays prometteur. Cependant le Shogun régnant dans cette moitié de XVIIe ème dans le pays a renoncé à la politique de tolérance de ses prédécesseurs et a chargé son gouverneur, Inoue, de mener une répression féroce contre les chrétiens afin d'éradiquer l’implantation de cette religion occidentale sur les terres de l'Empire du Soleil levant.
La mission de ces deux moines (le troisième, gravement malade est resté à Macao) va s'avérer des plus périlleuses: condamnés à la clandestinité, Garrpe et le narrateur, le père Rodrigues, vont devoir raviver la communauté des croyants locaux et enquêter sur le père Ferreira de leur ordre qui est supposé avoir apostasié. Or, Ferreira a été le maître de Rodrigues il y a des années et ce dernier ne peut pas croire qu'il a fini par renier sa foi car chacun des missionnaires préfèrerait devenir un martyr plutôt que de ce faire.
L'expérience de Rodrigues apportera une explication à l'attitude de Ferreira. Si le livre est riche par les réflexions qu'il déclenche chez le lecteur, j'ai trouvé l'écriture cherchant inutilement à apitoyer le lecteur sur le sort des différents personnages... Shusiko Endo en fait un peu trop dans le style emphatique, ce qui au final révèle une écriture qui n'est pas très puissante: l'auteur est sans cesse obligé de revenir sur les malheurs des protagonistes pour faire comprendre la situation, combien la situation des chrétiens japonais est peu enviable, combien la répression des autorités locales est intense et cruelle. Le style formel de l'auteur est en cause ici tandis que je trouve qu'il aborde les thèmes du roman de façon juste et intéressante: la sincérité de la conversion des foules, le sentiment de solitude face à l'adversité, le choix de l'apostasie, la traîtrise, le Japon et son attitude face au monde extérieur.
Un livre intéressant donc mais dont l'écriture formelle ne m'a pas convaincu malheureusement.

Vince92 - Zürich - 47 ans - 23 janvier 2023


Le silence de Dieu 8 étoiles

En 1632, deux jésuites portugais, Ferreira et Garrpe, débarquent au Japon, tout près de Nagasaki, à la recherche de leur confrère le père Rodriquez dont on dit qu’il a apostasié ( renié sa foi). Ils sont quasi les derniers missionnaires catholiques à essayer d’implanter la religion chrétienne dans Pays du Soleil Levant. Jadis, le catholicisme était bien accepté mais en ce début du 17 ème, tout a radicalement changé : place à la répression, aux massacres à grande échelle, à la traque généralisée. Les quelques chrétiens japonais qui restent sont des misérables paysans qui sont d’ailleurs considérés comme du bétail. Le pouvoir en place les obligent à fouler du pied un efumi ( image pieuse) et mieux encore à cracher dessus. Les chrétiens accueillent du mieux qu’ils peuvent les deux jésuites et pour la plupart restent fidèles à leur foi au prix de leur vie.
Garrpe mourra et Ferreira finira par apostasier et à servir le Japon.

Le « Silence » est, sans équivoque, le silence de Dieu qui abandonne les hommes.

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Shûsaku Endô , né à Tokyo en 1923, est un écrivain catholique japonais. Il a écrit de nombreux romans et nouvelles. Il est décédé en 1996.
Martin Scorsese vient de tourner un film très largement inspiré de ce roman. A déconseiller aux âmes sensibles !
https://www.youtube.com/watch?v=0Vzyu8VcBaE


Extrait :
- Le péché, songea-t-il, ce n’est pas ce que l’on croit communément, ce n’est pas de voler ou de mentir, c’est, pour un homme, de marcher brutalement sur la vie d’un autre, insoucieux des blessures qu’il laisse derrière lui.

Catinus - Liège - 73 ans - 4 mars 2017