Le premier amour est toujours le dernier
de Tahar Ben Jelloun

critiqué par Sissi, le 28 décembre 2010
(Besançon - 54 ans)


La note:  étoiles
Histoires d'amour, histoires cruelles, histoires sensuelles.
Le rapport entre les hommes et les femmes, qu’il soit amoureux ou sexuel, est le thème central de ces quelques vingt nouvelles, qui se déroulent pratiquement toutes au Maroc, de nos jours ou quelques années plus en arrière.

Les femmes que l’on croise dans ce recueil sont manipulatrices, trahies parfois, terriblement excitantes ; elles revendiquent le plaisir sexuel mais portent encore souvent le poids des traditions machistes.
Ainsi cette femme, qui a fait trois enfants avec un autre que son mari (stérile sans le savoir), et qui prétend avoir agi par amour, pour protéger son époux et ne pas déroger à la règle tacite qui règne depuis toujours :

« Un homme n’est jamais stérile. C’est toujours la faute de la femme ! »

Les hommes que ces femmes croisent (et nous aussi) sont souvent frivoles, inconstants, très amoureux parfois, admiratifs devant la beauté féminine, excitables à merci et dominateurs.

L’incommunicabilité bien connue entre les deux sexes est abordée ici sous un jour érotique.
C’est l’incompréhension sexuelle qui est mise en avant, le désir des unes étant souvent mis à mal par le désir des autres, et inversement.

Mais pas seulement.
Ce recueil parle aussi, et heureusement, d’amour.
Si l’érotisme, la sexualité, dans un langage parfois cru, sont très présents, l’auteur alterne en permanence entre des registres de langue différents et des genres contraires.

Ainsi telle nouvelle, écrite à l’imparfait et au passé simple, relève du conte « Il était une fois… » ; une autre se rapproche de l’article de journal « Voici un fait divers… » ; nouveau virage « C’est l’histoire d’une fiction… », avant qu’on ne passe à une petite nouvelle de deux pages emplie de poésie, pour repasser à la première personne, dans le vécu de l’écrivain « je ramasse les petits faits, je les combine, je les arrange, et cela donne des choses étranges ou désespérément ordinaires. »
Du langage cru on passe au lyrisme :« Le premier amour est toujours le dernier. Et le dernier est toujours rêvé. Je ne connais de son corps que la voix. Une échappée tourmentée, mouvante et chaude. »

Un peu déroutant, avec peut-être un manque d’homogénéité et des nouvelles inégales, ce recueil mérite néanmoins un petit détour.