Tout s'avale
de Hubert Michel

critiqué par Miller, le 22 mars 2002
(STREPY - 68 ans)


La note:  étoiles
Histoire d'un homme perplexe
TOUT S’AVALE
avec élégance et scepticisme
Hubert MICHEL, un écrivain. Non, un styliste. Les deux. C’est ça. Une écriture, un style quoi. Il écrit : Ma vie ressemblait alors à un tableau d’Eward Hooper. En apparence, Il ne s’y passait rien. Erreur. L’histoire d'un parisien largué par sa compagne. Il rencontre Iris. Une voisine. Enceinte. Pas jusqu'aux yeux, au début de la grossesse. Trois jours après l'impact de la rencontre, ils partent en Sicile. Deux semaines de vacances. Un hôtel et une piscine qui nous vaudra une scène d'humour fin. La piscine et le bagnino. Tout est prétexte : Le distributeur de jus fruits. L’emballage des biscottes (un régal ce passage). Monsieur Tuba.
Bref, le narrateur observe les autres avec précision, avec l’Ïil d’un tireur à l’arc. Déjà blessé par lui-même. Prêt à tout avaler avec fatalisme. On apprend très vite qu’Iris et lui ne seront plus ensemble pour longtemps. Car sans nouvelles d'elle, il recevra plus tard un faire-part de naissance et de bonheur. En attendant continuons ce séjour au soleil. Le décor : La piscine et sa faune. Le mont Pellegrino. Le panorama. Juillet. La
chaleur.
Leur chambre 245 climatisée. Avec la télé. Le Tour de France sur Euronews. Le corps d’Iris. Une brune beauté. Sa plénitude de femme enceinte si encline à la générosité. Et on apprend à connaître le narrateur. Par des phrases-clés comme celles-ci :
« D'ailleurs, si je n'aime guère palabrer c'est que mes conversations avec autrui me laisse toujours un goût amer de l’inachevé. » « La perplexité est un de mes traits de caractère… » « Vous savez combien j’exècre ces êtres omniscients habités de certitudes. » « Quel résistance l’homme défait peut-il opposer à la femme déterminée qui arrête, parfois sur une lubie, pour un détail, l’appropriation de la vie de celui-ci, pour sa satisfaction à elle et pour le temps qui lui chantera ? ». Son statut d'amant approximatif. Les rebondissements. Le clin d’Ïil aux films de Godard. La phobie de devenir fou, de l’incendie. Un personnage attachant, comme ce livre, sans chichis.
La faim reste. 7 étoiles

Tout s'avale. Même ce roman. D'accord, je pousse un peu fort. Mais il est vrai qu'après avoir avalé ce deuxième roman de Hubert Michel, j'ai constaté que j'étais un peu resté sur ma faim. Est-ce parce que je déguste en parallèle la Recherche du Temps perdu (que je relis par petites bouchées entre deux lectures plus "modernes"), que celles-ci m'apparaissent parfois fades, insipides? Pourquoi n'ai-je pas adhéré totalement au propos de Hubert Michel qui cultive une littérature minimaliste assez proche de celle d'auteurs que j'ai adorés récemment : Martin Page, Christian Gailly, Renaud Ambite? Certes, je comprends l'enthousiasme de Miller. Simplement, je ne l'ai pas ressenti à la lecture. Les tribulations du narrateur entre femmes perdues (jamais tout à fait oubliées), femmes possédées (une scène assez perturbante d'amour dans le sang), femmes convoitées (ardemment) sur fond de piscine sicilienne : cinquante pages, ça va, près de deux cents ça commence à peser. La référence au "Songe d'une nuit d'été" est sans doute destinée à éclairer le lecteur sur le caractère intemporel de cette intrigue où l'amour volète d'un objet à un autre avant de fixer son choix, de planter sa flèche. N'empêche que je n'ai pas bien perçu l'enjeu de tout cela et que j'ai ressenti jusqu'à l'ennui la banalité du propos, accueillant avec une joie voisine du soulagement le joli dénouement de cette tragi-comédie clubméditerranéenne.

Lucien - - 68 ans - 6 avril 2002