Demain j'aurai vingt ans
de Alain Mabanckou

critiqué par Alma, le 23 décembre 2010
( - - ans)


La note:  étoiles
L’âge heureux
Un ouvrage que Alain Mabanckou dédie à la mémoire de ses parents, dont Michel le héros narrateur, est peut-être une projection de l'enfant que fut Mabanckou lui-même …..
Michel , jeune garçon de 10 ans vit dans un quartier populaire de Pointe Noire, au Congo dans les années 70 . On découvre son quotidien , au travers de son regard de gosse de 10 ans .

Un roman d’apprentissage, comme le suggère le titre, qui relate les dernières années d’un âge heureux qui va bientôt voir disparaître les qualités de fraicheur et de candeur propres à l’enfance , et dont le charme vient précisément de l’ingénuité dont fait preuve le héros face au monde adulte . Cette candeur est souvent source de passages qui font sourire, par ex, quand Michel rapporte ce qu’il a compris du discours de l’oncle René, communiste, qui parle « des condamnés de la terre , des forcés de la faim » ou de passages plus attendrissants , où par ex, Michel et Caroline rêvent d’un bonheur conjugal embelli par une belle voiture rouge , mais menacé par la présence du rival de Michel : Mabelé le footballeur .

De nombreux personnages pittoresques parsèment le roman : gens du quartier , camarades de classe ( classe où les sévices corporels sont monnaie courante ….), demi-frères et soeurs de Michel, c'est-à-dire enfants de la deuxième femme de son père , fratrie où l’enfant se sent bien accueilli . Mais c’est dans le cocon familial que Michel est le plus heureux, près de sa mère et d’un père réceptionniste dans un hôtel , qui rapporte à la maison un radio-cassette diffusant une unique cassette où chante Georges Brassens ( le roman a d’ailleurs obtenu le Prix Georges Brassens 2010 ……) ainsi que des livres oubliés par des clients . Michel y découvre un poète auquel il s’identifie : Arthur Rimbaud qui lui ouvre les portes de l’univers poétique . Son père écoute à la radio La Voix de l’Amérique et commente les informations qu’il y entend . C’est ainsi que régulièrement, tout au long du livre, on suit , au travers du filtre de la pensée de l’enfant, les hommes qui ont fait l’actualité des années 70 : le Shah, chassé d’Iran , qui erre d’un pays d’accueil à un autre, Idi Amin Dada, Mobutu, Bokassa et l’affaire des diamants…., ce qui donne à Mabanckou l’occasion d’insister sur la corruption des dictateurs africains et de montrer le culte de la personnalité dont bénéficie le Président du Congo, qui vit à cette époque sous un régime marxiste-léniniste .

Un roman somme toute assez classique, rafraichissant, où se mêlent humour et émotion , un peu dans la veine des souvenirs d’enfance de Marcel Pagnol, mais moins décoiffant que les précédentes publications Alain Mabanckou .
Michel et les géants 10 étoiles

À onze ans, comment voit-on la vie devant soi ? Comment peut-on s'imaginer que celle-ci aura une fin, mais qu'avant cela bien des choses seront possibles, qu'on ne peut malheureusement pas réaliser. Aimer, être aimé, avoir de l'argent, de la notoriété, on oublie bien sûr que tout cela est loin d'être gagné d'avance et qu'il va falloir beaucoup d'efforts, et une bonne dose de chance, pour y arriver. Alain Mabanckou s'est glissé dans la peau de Michel, un jeune congolais vivant, comme lui-même l'a sans doute vécu, sous le régime marxiste-léniniste qui fit les beaux jours du Congo-Brazza dans les années postcoloniales. Ce savoureux récit d'enfance, fait des innombrables aventures et mésaventures de notre héros, jouant le candide au pays des mille diables (la croyance dans les pouvoirs des esprits est omniprésente), est aussi un astucieux artifice littéraire pour décrire au vitriol la duperie que constituent les idéologies lorsque règnent corruption et désordre généralisé. Un roman remarquable de fraîcheur et de sincérité, qui peut se lire à deux niveaux, l'un léger, l'autre d'une gravité allant bien au-delà de tous les essais que l'on a pu écrire sur l'Afrique noire.

Jfp - La Selle en Hermoy (Loiret) - 76 ans - 30 octobre 2016


Auprès de son arbre, il vivait heureux... 8 étoiles

J'ai trouvé beaucoup d'amusement, de fraicheur et de naïveté à ce livre d'Alain Mabanckou. Si l'écriture m'a d'abord un peu désarçonnée (les formulations et le vocabulaire sont empruntés à ceux d'un enfant de 10 ans), elle participe au final au parti pris de l'auteur de laisser parler son malicieux petit protagoniste.
Le microcosme qui gravite autour du jeune héros est très réussi : les personnages décrits semblent plus vrais que nature (j'ai adoré le tonton René, terrible oncle riche et communiste), les centres d'intérêts sont vraisemblables (les amis, la nourriture, l'amour, la poésie, les ... moustiques aussi !), les amalgames sur la situation politique ou les difficultés de compréhension de la chanson de Brassens sont drôles, quant aux coutumes locales et façons de vivre évoquées, elles m'ont fait voyager !
Alain Mabanckou nous invite à observer ce jeune garçon en train de grandir (et oui, demain, il aura vingt ans... ou après-demain plutôt !). La bienveillance qu'il manifeste envers lui est contagieuse, et même si, au final, j'ai trouvé que l'ouvrage manquait un peu de profondeur, j'ai apprécié l'espoir et l'optimisme qui se dégageait de cette lecture.

Ellane92 - Boulogne-Billancourt - 49 ans - 8 octobre 2013


Regard enfantin 2 étoiles

Ce livre est écrit du point de vue d’un enfant qui relate sa vie avec sa mère et son père adoptif, son oncle, son amie et la sœur de ce dernier. Il y a des réflexions sur la politique interprétées d’une façon qui se veut certainement humoristique ou critique. Il se passe au temps du chah d’Iran et des radios cassettes, de Brassens et de Belmondo.

Bref une somme de petits riens, ... que je n’ai probablement pas su apprécier, n’y trouvant pas un grand intérêt. Je n'ai d'ailleurs pas pu le finir !

IF-0913-4098

Isad - - - ans - 28 septembre 2013


Entre Rimbaud et Brassens 7 étoiles

Avec ce texte Alain Mabanckou nous propose le énième livre, depuis « L’enfant noir » de Camara Laye pour la francophonie et « Aké, les années d’enfances » de Wole Soyinka pour "l’anglophonie", sur l’Afrique vue à travers le regard d’un enfant. Je ne pense pas qu’il prétende révolutionner la littérature avec ce livre mais cet un excellent conteur, un griot des temps modernes, qui raconte adroitement et agréablement la chronique de la vie d’un gamin de treize ans à Pointe Noire au Congo vers la fin du septennat de Giscard d’Estaing (le texte n’est pas daté, mais quelques indices permettent de situer assez précisément l’histoire à cette époque).

Michel vit avec son père putatif, la seconde femme de celui-ci, sa vraie mère, et l’autre famille de son père nourricier qui comprend sa seconde maman d’adoption et ses sept frères et sœurs. Une galerie de portraits hauts en couleur que Mabanckou dresse avec adresse et tendresse, il semble aimer ses gens comme sa propre famille et être en parfaite empathie avec eux. L’auteur nous entraîne ainsi sur les pas du petit Michel dans les rues du quartier, dans ses deux résidences, à l’école, partout où ce gamin déambule. Il nous fait ainsi partager sa vie, celle de ses deux familles avec les multiples avatars, plus ou moins tragiques, plus souvent cocasses, de celles de ses frères et sœur, mais aussi la vie du quartier, moins la vie du pays gouverné par un pouvoir que nul ne conteste ni ne critique. Michel nous raconte aussi l’actualité internationale perçue à travers « La Voix de l’Amérique » et commentée par le papa nourricier, principalement l’errance dramatique du Chah d’Iran rejeté, chassé, pourchassé, partout où il tente de se réfugier pour mourir dignement, au grand dam du papa commentateur.

Michel vit dans cet espace restreint et ne connait le monde qu’à travers quelques bribes d’instruction récupérées à l’école, le sourire de Rimbaud, une chanson de Brassens et certains propos recueillis en écoutant la conversation des adultes et les commentaires de son père nourricier. Il construit ainsi sa personnalité et sort peu à peu de l’enfance en franchissant, avec l’aide son pote, un peu plus âgé, et sous l’influence de son amie d’enfance, sa fiancée d’adolescence, son amour de jeunesse … les paliers initiatiques qui lui permettent de progresser vers l’âge adulte.

A travers la vie de ce gamin, Mabanckou jette un regard faussement candide, plutôt narquois, ironique et même accusateur sur les travers de la société congolaise, et même africaine, hérités de la colonisation, de l’assimilation mal maitrisée des mœurs et techniques de la civilisation européenne, dans un grand mélange où essaient de s’amalgamer la tradition ancestrale africaine, les religions monothéistes européennes ou orientales et la laïcité républicaine sans oublier, bien évidemment, toutes les perversions de tous ceux qui sont en quête d’un moindre morceau de pouvoir ou d’une portion de la richesse générée par les ressources locales. L’auteur glisse parfois certaines réflexions, dépassant la candeur du héros, pour faire passer des messages sur tout ce qui gangrène l’Afrique actuelle : l’ignorance, la colonisation, l’exploitation, la corruption, et encore d’autres choses qui s’écrivent aussi en « …tion ».

In fine un livre gentil, sympathique, émouvant, agréable à lire, même si j’ai eu l’impression d’en avoir déjà lus beaucoup de semblables, mais surtout un livre qui ne sombre jamais dans le catastrophisme habituel, un livre d’espoir qui veut croire en un avenir possible même si le monde actuel est souvent cruel et toujours injuste. C’est aussi un message de paix nous rappelant qu’il y a toujours de la place pour l’amour et l’amitié, sentiments bien plus efficaces que la violence stérile trop souvent appelée à la rescousse.

Débézed - Besançon - 77 ans - 1 septembre 2013


Humour et tendresse 8 étoiles

Les petits malheurs et les joies de Michel, son amourette avec Caroline, sont d'une tendresse très touchante. Alain Mabanckou a parfaitement su rendre l'univers de cette enfance au Congo à travers laquelle il nous emmène en voyage.

Derrière le ton faussement naïf de Michel, l'auteur nous livre une critique du monde tel qu'il est fait par les grandes personnes. Le décalage des jugements enfantins du narrateur crée un effet d'humour qui ravit le lecteur complice

Cependant, le style et le procédé, surprenants et plaisants au début finissent par perdre en efficacité et deviennent lassants.

Maufrigneuse - Saulieu, Bourgogne - 35 ans - 14 juillet 2013


"Alter ego" et "saligaud" 7 étoiles

Un jeune garçon congolais observe son entourage et tente de comprendre le comportement parfois étrange des adultes qui le côtoient. Cette formule de l'enfant décrivant le monde dans lequel il évolue est presque toujours gagnante mais à la longue, elle peut lasser. C'est ce qui m'est arrivé avec ce livre que je trouve pourtant savoureux mais dont j'avais hâte de voir la fin. Pourtant, j'ai trouvé le petit Michel très mignon et parfois carrément hilarant mais le vocabulaire très simple et la facilité du texte m'ont finalement légèrement ennuyée. Ajoutons à cela quelques répétitions et des scènes d'une banalité affligeante vécues par presque tous les enfants du monde pour me faire décrocher totalement.

Ce que j'ai préféré, ce sont les reportages radio lus par un journaliste américain et écoutés par le père de Michel relatant les événements politiques internationaux comme la mort du Chah d'Iran et que le cerveau du petit Michel réarrange à sa manière ainsi que l'appareil servant à lire les cassettes du chanteur qui pleure son arbre. J'ai par contre moins aimé les amours de Michel et de son grand-frère ainsi que la recherche de la clé.

Voilà, je fais une critique courte car d'autres ont bien résumé et commenté ce livre alors inutile d'en rajouter une couche. L'histoire est savoureuse mais le style agaçant à la longue.

Dirlandaise - Québec - 69 ans - 29 juin 2013


De la tendresse surtout 9 étoiles

Michel, enfant congolais d'une dizaine d'années grandit à Pointe Noire dans la fin des années 1970 entre sa maman Pauline, son père "nourricier" plus aimant que ne l'eut été son vrai père, la seconde femme et les enfants de papa Roger ; son grand ami Lounés et sa soeur Caroline provocatrice des premiers émois amoureux de Michel. Récit d'une enfance au milieu des personnages hauts en couleurs, truculents et tonitruants dans un pays chaotique au gouvernement marxiste. Découvertes, interrogations sur la vie, les événements internationaux et du pays. Un regard à la fois pertinent, candide, naïf, dans ce langage africain si imagé, plein d'humour et de sarcasmes. Une belle chronique familiale pleine de tendresse et d'amour dans une vie rude et difficile.

Lectio - - 75 ans - 9 juin 2013


Récit d’un jeune congolais … 7 étoiles

Dans un autre registre que le conte africain, Alain Mabanckou nous entraine au cœur de l’Afrique noire des années 70, le Congo, il relate l’enfance de Michel, un jeune garçon attachant, autobiographie ou non, son quotidien est dépaysant.

Ichampas - Saint-Gille - 60 ans - 13 février 2013


Réjouissant 9 étoiles

J’ai beaucoup aimé la candeur de ce roman. Même lorsqu’il est question des tyrans africains de l’époque, le ton demeure jovial, ce qui pour moi signifie que Mabanckou a parfaitement réussi son boulot, qui dans ce cas imposait à l’écrivain de s’éclipser derrière son personnage enfant.

La succession d’anecdotes est un délice et l’entourage est merveilleusement décrit à travers la vision d’un gamin. Puisqu’il s’agit d’un récit autobiographique fictif, l’absence d’une histoire qui aurait pu lier tous les chapitres engendre parfois des passages où l’intérêt s’estompe. Mais, ils sont rares et j’ai éprouvé un réel plaisir à cette lecture.

Aaro-Benjamin G. - Montréal - 55 ans - 28 janvier 2013


A travers la naïveté du héros, un survol de l'Afrique des années 70 7 étoiles

Michel, un garçon d'une dizaine d'années, est le narrateur de ce roman qui permet au lecteur de côtoyer une famille congolaise durant les années 70 : il y a Maman Pauline qui éveille la jalousie de son fils parce qu'elle attire le regard des hommes du village, Papa Roger qui n'est pas la père biologique de Michel mais qui aime l'enfant comme son propre fils, Maman Martine la première épouse de Roger, les demi-frères et les demi-soeurs considérés comme de vrais frères et soeurs, Lounès le grand ami, Caroline la fille qui fait battre son coeur. Mais comment séduire cette jolie demoiselle si l'on n'a pas les mêmes muscles que le jeune footballeur Mabélé qui l'impressionne tant ?

Ce roman est attachant car le lecteur se familiarise avec ces personnages au caractère trempé. Michel, personnage plutôt naïf, amuse le lecteur par ses remarques. Son regard permet aussi de deviner une critique sur les événements évoqués par Roger Guy Folly, le présentateur américain. Ce sont sans doute ces chapitres en lien avec les actualités africaines ( Amin Dada, le Shah d’Iran, Bokassa ... ) qui m'ont le plus intéressé. Le roman allie à la fois la vie d'une famille au Congo et le contexte africain, voire mondial de cette époque. L'humour est aussi présent, même si moins utilisé que dans "Verre cassé". Je n'ai pas retrouvé non plus dans ce roman la faconde et l'originalité des précédents textes de l'auteur. Le roman reste tout de même agréable à lire et vivant.

Pucksimberg - Toulon - 44 ans - 6 janvier 2013


Une merveilleuse expérience 9 étoiles

"Lorsque Caroline me regarde, je me sens le plus beau du monde. On a le même âge, mais elle, elle sait beaucoup de choses sur nous autres les garçons. Maman Pauline dit qu'elle est une fille évoluée."

Michel, le narrateur, un petit garçon de dix ans, nous présente sa famille , ses amis, sa vie de tous les jours , ses espoirs, sa vision du monde et son amoureuse Caroline...

J'ai choisi la version audio pour faire la connaissance avec Michel. Ce récit enjoué est lu par Alain Mabanckou.
Une merveilleuse expérience d'un peu moins de 10 heures.

Koudoux - SART - 60 ans - 4 janvier 2013


Tranches d'une (jeune) vie 7 étoiles

Michel est un jeune congolais d'une dizaine d'années. Arrivé presque par hasard à Pointe-Noire, il nous raconte quelques mois de sa vie de petit garçon dans les années 70. « Moi je me sens enfant de Pointe-Noire. On est originaire de l'endroit où on a reçu les premières gouttes de pluie. »
Entouré de Maman Pauline, de Papa Roger, de Tonton René, de son ami Lounès et de sa femme, ex-femme, nouvelle femme Caroline, il essaie de comprendre le monde qui l'entoure particulièrement intéressé par l'histoire contemporaine et la géo-politique.
Son jeune âge va permettre d'amusantes réflexions (vendre chèrement sa peau comme Mesrine...) et sa liberté, de belles rencontres.
Il se montrera très touché et perplexe devant les informations délivrées par Roger Guy Folly, commentées par Papa Roger, des khmers rouges, à la chute du Shah d'Iran, ou des atrocités d'Idi Amin Dada...

J'ai pour ma part, aimé sa rencontre avec Arthur Rimbaud mais plus particulièrement sa découverte de Georges Brassens.
« C 'est un Blanc avec beaucoup de cheveux et des yeux qui brillent. Il a une moustache, son regard est triste, mais son visage est très gentil. Je me dis: Il n'a jamais fait de mal à personne, je le sens. C'est les gens qui l'embêtent alors que lui il ne fait que chanter pour son arbre. Comme toutes les personnes gentilles, ce chanteur doit avoir beaucoup de globules très blancs... »

Entre le communisme et ses valeurs durement enseignées par son Oncle René ou son enseignant, (Marx, Engels comme maîtres à penser; « les livres d'Angèle – non d'Engels! ») , la religion pratiquée et les jeteurs de sorts et autres féticheurs, nous côtoyons un univers varié et contradictoire mais rempli de fraîcheur et d'humour.

Seul bémol à ce roman, l'utilisation du présent, de phrases courtes, la ponctuation pratiquement absente, confortent l'impression d'un récit enfantin direct, mais lassent aussi la lecture de ce charmant récit.

Marvic - Normandie - 66 ans - 3 janvier 2013


Pointe-Noire, au Congo … 7 étoiles

Alain Mabanckou se saisit de l’histoire d’un « Michel », jeune garçon qui s’éveille à la vie dans les années soixante-dix, à Pointe-Noire, au Congo, pour nous brosser la réalité de l’Afrique centrale de ces années là, une réalité qui ressemble certainement furieusement à celle qu’il a pu connaître jeune garçon.
Oui, ça sent fortement les souvenirs autobiographiques. En tout cas c’est l’occasion de voir l’Afrique, un bout de l’Afrique centrale, à hauteur d’un garçon d’une dix – douzaine d’années. Avec évidemment des repères immatures puisqu’à hauteur d’un âge immature. Et Alain Mabanckou joue le jeu. Il ne triche pas. Le Shah d’Iran, alors tout juste renversé par la révolution islamique de Khomeiny et poursuivi impitoyablement tout au long de son exil prend des allures de héros persécuté. Michel suit les aventures du Shah – et de Idi Amin Dada, de Bokassa et d’autres tristes sires du même acabit – à travers les commentaires de son père des communiqués de « La Voix de l’Amérique » écouté nuitamment sur le poste radiocassette, un peu en cachette. Et Michel nous les raconte ces aventures une fois passées par son filtre à lui de jeune garçon congolais. Il y a évidemment un gros décalage ! Le cocasse révèle à l’occasion, en creux, les travers de l’époque, et puis de la nôtre aussi.
Et puis Michel apprend à connaître l’autre sexe. En Afrique, au Congo, ce n’est pas rien … Et ce n’est jamais simple pour un garçon d’une dizaine d’années …
On se prend à imaginer ce que donnerait le même roman aujourd’hui d’un garçon de dix ans au Congo. Et on prend conscience que les choses probablement ne sont pas allées dans le bon sens. Le Congo fait partie de cette Afrique qui continue sa lente déliquescence dont on se demande si elle pourra s’arrêter un jour.
Il y a de la tendresse chez ce Michel, pour ce Michel, de la part d’Alain Mabanckou.
Y a-t-il encore des Michel à Pointe-Noire susceptibles de devenir les Alain Mabanckou de demain ? Avec la même tendresse qu’on accorde aux souvenirs de petit garçon. Ou serait-ce alors avec l’amertume et la désillusion des garçons poussés au cœur du désespoir ?

Tistou - - 68 ans - 13 décembre 2012


UNE EDUCATION AFRICAINE 9 étoiles

Avoir vingt ans, est–ce identique sous toutes les latitudes ? Le processus de maturation d’un enfant dépend-il de constantes ?

Il semble que oui à la lecture de l’ouvrage d’Alain Mabanckou Demain, j’aurai vingt ans , qui relate l’enfance dans le Congo des années soixante-dix , d’un jeune garçon âgé de dix ans nommé Michel .Ce dernier est ainsi informé par son père adoptif , réceptionniste à l’hôtel Victory Palace , des échos de la politique internationale et de la situation de son pays , le Congo, qui accueille des touristes excessivement tristes selon son père : « C’est pas tout : il faut aussi bien faire rire les clients. Papa Roger a donc toujours un mot pour que ces Blancs rient car, dit-il, avec le froid qu’il y a là-bas en Europe les Blancs ne rient pas beaucoup. »

Michel est étonné des récits de son oncle tonton René, militant marxiste convaincu, qui tente en vain de l’initier aux rudiments d’un marxisme-léninisme transposé à grand-peine au cadre local congolais . Il éprouve de l’affection et de l’admiration pour cet oncle décidément infatigable, dont la force de conviction emporte son admiration d’enfant.

Un autre personnage du roman aiguise beaucoup sa curiosité, c’est Roger Guy Folly, journaliste à La Voix de l’Amérique, dont les interventions contredisent celles de l’oncle Roger, mais font connaître à cet enfant les premiers contours de la géographie mondiale, et le familiarisent avec les conflits et drames de l’époque : « Oui , Idi Amin Dada est vraiment un monstre plus méchant que le dragon . Moi, je n’ai plus envie de suivre son histoire que papa Roger veut nous forcer à écouter(…) Je ne peux pas quitter la table, on dirait un impoli sinon on va croire que moi Michel je ne veux pas m’informer sur ce qui se passe dans un pays de notre continent. »

Le jeune Michel est éveillé au sentiment amoureux par Geneviève, jeune fille séduisante mais inaccessible car promise à un autre homme, Yaya Gaston et de surcroît sensiblement plus âgée que lui . Il surprend un soir leurs ébats amoureux : « Ils parlent tout bas pour que je n’écoute rien. Mais pourquoi au lieu de crier au secours se met-elle à rigoler ? »
La fausse naïveté du personnage, le comique des situations, l’évocation de l’Afrique des années 70, et ses enthousiasmes postcoloniaux rattachent ce roman à la catégorie des Bildungsromane, les romans d’initiation, et le rendent hautement recommandable.

TRIEB - BOULOGNE-BILLANCOURT - 73 ans - 14 mai 2012