Noir roman
de Viviane Moore

critiqué par Marsupillalivre, le 16 mars 2002
(Maurepas - 65 ans)


La note:  étoiles
L'invitation au voyage au coeur du Moyen Age
« Le chevalier Galeran de Lesneven sur les routes de France du XIIème siècle » Viviane Moore
Sous ce chapeau six livres sont en fait regroupés, « Bleu sang », « Noir roman » et « Rouge sombre », "Blanc chemin", "Jaune sable" et "Vert-de-gris. Chacune de ces œuvres a pour cadre historique, le royaume de France au XIIème siècle, le règne des rois capétiens, la « renaissance médiévale », la construction des cathédrales gothiques. Dans ce contexte, un chevalier au bras lourd et au coeur à la hauteur des flèches de ces cathédrales, Galeran de Lesneven, breton comme son nom l'indique, s’est fait une spécialité de la résolution des énigmes criminelles à une période où la loi du plus fort règne sans partage. Ce noble chevalier est donc sollicité pour éclairer de la lumière de sa sagacité l'ombre qui entoure trois affaires aux dimensions dramatiques multiples. Dans le premier (« Bleu sang »), le chantier de la cathédrale de Chartres est le théâtre d'incidents d'une gravité croissante, d'accidents de travail qui se révèlent être des meurtres. La difficulté est naturellement d'établir le lien entre tous les faits. Galeran de Lesneven en visite chez son ami Audouard, maître verrier, est témoin de ces drames et entre en scène pour aider son ami et la belle et inaccessible Ausanne, « miresse », c’est à dire médecin. Le dénouement est tout sauf heureux et c’est l’esprit tourmenté que le chevalier quitte la ville de Chartres. Dans le second (« Rouge sombre ») l'action s’établit autour d'un monastère normand à la dérive, Jumièges, où le chevalier devait s’arrêter pour consulter des livres et manuscrits rares. Une pêche à la baleine meurtrière, suivie de l’assassinat monstrueux d’une belle jeune femme, jettent la panique dans la communauté et le village recroquevillé à l'institution. L’enquête, sur fond de tempête, est menée avec brio par un moine, Odon de Lisieux auquel le chevalier prête assistance. Le dernier, (« Noir roman »), emmène le lecteur dans le décor inquiétant de la Bretagne des Monts « d’Arez » où la frontière entre les éléments est incertaine, où les points de repère sur les lieux et les hommes sont fugitifs. Des enfants disparaissent et on retrouve leurs corps présentant les symptômes d'une maladie mystérieuse. Le chevalier est contraint d'accepter le demande d'un ancien compagnon d'armes, triste sire régnant par la terreur, auquel il est redevable. Il doit se plonger dans ce monde isolé et sauver les enfants d'une destinée funeste. Les amateurs de polars historiques se laisseront entraîner immédiatement dans l'ambiance et liront ces romans d'un seul élan. Il y a manifestement un gros travail en amont de documentation historique. Viviane Moore a le sens du détail. En particulier les personnages apparaissent singulièrement bien travaillés et authentiques tant dans leur « état » que dans leur caractère. Paradoxalement, c'est Le héros, le chevalier de Lesneven dont le portrait est peut-être le moins abouti. Mûri par de nombreuses campagnes diverses mais encore jeune il est une sorte de Lucky Luke en perpétuelle errance qui refuse les opportunités qui s’offrent à lui de nouer des liens fructueux. Il est donc par ce côté un marginal du système féodal dont la caractéristique principale était précisément les liens suzerain/vassal.

La lecture des ces trois livres n'offre pas véritablement d'explications sur cette errance, sur ses moyens d’existence. Mais il est vrai que ces petites imprécisions ne perturbent pas la qualité des intrigues criminelles, bien construites avec des fausses pistes à souhait.
Ces intrigues, le cadre historique, ne sont pas sans rappeler naturellement celles dénouées par « Frère Cadfaël » le héros d’Elis Peters mais abondance de biens ne nuit pas… J'ai une préférence pour « Noir roman » pour son ambiance fantastique, le lecteur avance pas à pas avec précaution sur un sol aux odeurs d’un autre temps qui enveloppent les rochers en granite.
En revanche, « Rouge sombre » pêche un peu à mon goût par une impression de déjà vu, des moines aux mœurs dissolues dans un monastère à la dérive… Et l’intrigue apparaît plus simple que celles des deux autres romans.
Ces petites appréciations négatives ne doivent toutefois pas dissuader la lecture de ces romans.