Le siècle des nuages
de Philippe Forest

critiqué par Francesco, le 15 novembre 2010
(Bruxelles - 79 ans)


La note:  étoiles
notre société vue des nuages
« Le siècle des nuages » de Philippe Forest Gallimard 2010


Du haut des nuages, l'auteur contemple le siècle passé à travers l’histoire de l’aviation mais aussi celle de son père lui même pilote devenu après la guerre commandant de bord à Air France.
Dans un magnifique prologue il explique sa démarche en écrivant ce roman autobiographique : « Celui qui se souvient de soi, en est réduit à reconstituer un roman , son propre roman à propos des débris dépareillés du passé, acceptant l’invérifiable hypothèse qu’une intrigue doit pourtant exister qui unit tous ces moments et les intègre à la cohérence d’un récit à peu près suivi et sensé, prêtant sa psychologie présente, pour autant qu’il est capable d’en savoir quoi que ce soit, au personnage qu’il a été autrefois et dont il ne connaît plus rien ».
Comme dans ses précédents livres il évoque en quelques pages le drame qui va le poursuivre : la mort de sa petite fille de 4 ans victime d’un cancer des os.
Son roman part de la naissance de son père en 1921 jusqu’à son décès en 1998 : il raconte l’exode de 40 , les progrès de l’aviation à travers ses héros Mermoz , St Exupéry , Lindbergh.
Le récit mélange les genres du roman, de l’essai, de la biographie, de la réflexion sur le temps qui passe et emporte les rêves auxquels on avait cru.
Grande Histoire et histoire familiale principalement de son père forte personnalité d’homme honnête, loyal, croyant et résistant.
Ce livre est bouleversant, lucide et nous fait réfléchir sur la vie et la mort.
L’auteur aurait mérité un prix littéraire
Un grand roman ? Non, un gros. 4 étoiles

Au récit de la vie de son père (pilote formé pendant la guerre dans l'US Air Force), à la fois hommage et tentative de mieux comprendre celui qu'il a été, Philippe Forest mêle celui de l'histoire de l'aviation et du XXème siècle. Après un superbe prologue, on se dit que l'on est devant un bel ouvrage, malheureusement les choses se dégradent assez vite.
Ce qui frappe le plus à la lecture c'est l'écart entre les intentions ou la posture de l'auteur et le texte lui-même. Forest se voulant au plus proche de la réalité du vécu qui, quoiqu'on fasse, reste inaccessible, critique avec une certaine condescendance et une régularité lassante le lyrisme de grands auteurs comme Faulkner, ou reproche aux historiens d'émettre des jugements, de simplifier la passé. Quand on lit ces remarques et qu'on voit comment lui raconte, on a du mal à ne pas s'énerver.
En rajoutant sur le style.
Enchaînant avec une monotonie de métronome des phrases ou plutôt des périodes molles et pâteuses comme des nouilles trop cuites.
Mêlant le récit de la vie de ses parents et de la sienne à l'Histoire d'une façon, non pas lyrique pour le coup, mais ronflante (on croirait entendre une parodie de voix off à la Frédéric Mitterrand), scolaire, en atteignant parfois la limite du mauvais goût. Le meilleur (ou le pire) exemple étant celui des pages 351-352 où il explique que, quelque part, c’est grâce à Hiroshima qu’il a pu voir le jour, avant de reprocher son emphase à Faulkner dans le paragraphe suivant (si ! si !).
Caricaturant le travail des historiens mais oubliant soigneusement de dire qu’il a dû piocher allégrement dans leurs bouquins. Leur déniant le droit de juger mais étant lui, paradoxalement, dans un commentaire et un pseudo-décryptage permanents ayant toutes les apparences de la justification.
Se racontant en train de raconter ou plutôt de refuser de raconter mais le faisant quand même (cette phrase obscure sera limpide pour ceux qui liront le livre, croyez-moi).
Se permettant un peu de remplissage à la fin avec de l’astrologie et l’histoire (oui, encore, ça fait beaucoup pour quelqu’un qui n’aime pas les historiens) d’Air France (une note devrait d’ailleurs indiquer « placement de produit »).
Bref.
Pour conclure disons quand même que Forest retrouve à la fin du livre, notamment dans l’épilogue, un ton plus juste. Comme s’il parvenait enfin à oublier de vouloir faire de la grande littérature et ainsi à simplement écrire ce qui devait être écrit.

Hélian - - 42 ans - 12 novembre 2011


un beau vol mais manque d'élan 4 étoiles

Philippe Forest entremêle ici avec un talent d'écriture certain le parcours de sa famille, ou plus précisément de son père, passionné d'aviation, et celui d'un siècle en plein turbulence de la guerre mondiale.
On retrouve ici un faux-air air à la Apollinaire, où dans par exemple "Calligrammes", l'auteur relate avec poésie le fragile équilibre entre innovations techniques et conflits.
Et pour cause, dans les premières pages de ce long récit, on retrouve cette citation du poète:
Crains qu’un jour un train ne t’émeuve
Plus

Il est des temps où il est dur de s'émouvoir de ces inventions de l'homme, plus destinées à détruire qu'à créer et lier. La guerre est souvent le moteur du progrès et sa perte...
C'est en partie l'ambition de ce livre, que de renouer avec cette folie douce de l'homme que de voler, avant qu'il ne s'avise que la hauteur pouvait servir à tuer.
Ce récit est celui d'un homme mur, mais aussi celui d'un enfant, qui se surprenait à regarder en rêvant cet homme qui était son père, et qui parcourait les nuages, ambition folle d'un siècle de délire.

Néanmoins le récit se fait par moment bien monotone, et la tonalité autobiographique finit par nuire au récit de ce siècle des nuages.
Si le style est fluide et gracieux, c'est sa densité et sa lenteur qui finissent par nuire à un texte néanmoins plein de poésie et d'espoir.

EB
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Madamedub - Paris - 39 ans - 27 janvier 2011


Je n'ai vraiment pas accroché ! 4 étoiles

Le souci de l'auteur est louable : rendre hommage à son père, d'autant que son père a eu une existence intéressante, proche de la vie même de notre siècle, à travers l'histoire de l'aviation naissante ; il ne nous est pas indifférent de savoir comment il a traversé la dernière guerre et comment il est devenu pilote de 747 chez Air France.

Mais, de grâce, Monsieur le Professeur de Littérature française, pensez à vos lecteurs (moi en particulier...) et construisez vos phrases normalement avec un sujet, un verbe et des compléments éventuels. C'est comme cela que j'ai appris, c'est ainsi que, j'espère, vous apprenez à vos étudiants, même si cela peut, parfois, paraître "ringard". Surpris d'abord, puis étonné ensuite, et enfin lassé, j'ai rapidement parcouru le texte à la recherche des phrases "normales". J'en ai trouvé quelques unes, agréables à lire généralement.

J'ai eu l'occasion de voir M. Forest à une émission littéraire récente et j'avais été séduit par cette histoire, ce qui m'avait donné envie de lire ce roman. J'ai vraiment l'impression d'avoir été trompé !

Tanneguy - Paris - 85 ans - 26 décembre 2010


Quel texte sensationnel ! 10 étoiles

L'écriture de Philippe Forest est vraiment fabuleuse. La justesse de ses mots et sa poésie m'ont profondément touché, et en particulier dans les superbes prologue et épilogue.
On y retrouve l'Histoire, avec le H vous aurez remarqué : seconde guerre mondiale, exode, histoire de l'aviation... racontée d'une manière unique, avec encore une fois, une qualité d'écriture remarquable. Et il y a l'Histoire, mais avec un H encore plus majuscule, celle de tout à chacun, face à la mort, face aux deuils, face aux questions que se pose tout le genre humain face au grand point d'interrogation de tout ce bazar.

Certaines descriptions sont d'une justesse extraordinaire. Je pense notamment à l'évocation du rôle d'un père, souvent discret, mais dont la leçon de vie réside davantage dans la gentillesse et la tendresse naturelle et silencieuse que dans tout autre chose. Ou encore, l'évocation de la vieillesse, où un matin, l'individu se rend compte que la mort rôde déjà, et qu'il lui faut faire avec...

Un livre fascinant, bouleversant et terriblement juste.

Soldatdeplomb4 - Nancy - 35 ans - 10 décembre 2010